Tirage sur papier couché rose pâle, seul à comporter le prix de « 10 francs », en première de couverture, absente du tirage courant sur papier plus fin.
La mention « Imprimerie spéciale des Éditions de Minuit » n’y figure pas. Comme le relève Henri Vignes, il pourrait s’agir d’un état parallèle, peut-être destiné par Éluard à ses amis bibliophiles, la composition typographique différant de celle du tirage dit « original ».
Texte capital de la poésie clandestine, Le Musée Grévin contient l’une des premières évocations littéraires d’Auschwitz : « Aux confins de Pologne, existe une géhenne dont le nom siffle et souffle une affreuse chanson. Ausschwitz ! Ausschwitz ! ô syllabes sanglantes ! Ici l’on vit, ici l’on meurt à petit feu. On appelle cela l’exécution lente. Une part de nos coeurs y périt peu à peu. »
L’histoire éditoriale du poème demeure complexe : elle semble paraître simultanément ou presque chez Minuit, à Paris, et à Saint-Flour, dans la collection de la Bibliothèque française (fondée par Aragon et dirigée par Éluard) – Aragon rapportant que la couverture fut réalisée « grâce à un petit stock de papier mural pour salle de bain, trouvé à Lyon ». Il fut vraisemblablement composé après la lecture d’un article du journal clandestin Les Étoiles (août 1943), qui révélait le sort de cent otages de Romainville déportés à Auschwitz, après le témoignage d’un évadé. Aragon, qui reprend jusque dans son poème la coquille « Ausschwitz » du journal, rédige son texte dans l’urgence, depuis la Drôme, au lendemain de ces révélations, et en souhaitant le faire diffuser le plus possible, en zone occupé, chez Minuit, et en zone sud, à Saint-Flour.
Le même journal Les Étoiles, dans leur numéro de décembre, salue la parution comme un événement : « Les Châtiments de 1943 ». Louis Parrot, dans L’Intelligence en guerre (1945) dira de ce poème qu’il est « traversé d’images éblouissantes, est en même temps qu’une condamnation sans appel des traîtres, une prière, un acte de foi envers leurs malheureuses victimes. Il peint, en termes vengeurs, les misérables qui les livrèrent aux bourreaux et évoque le visage de tant de femmes françaises torturées. »
Sur notre exemplaire la mention « Imprimerie spéciale des Éditions de Minuit » n’y figure pas : « S’agit-il d’un tirage réalisé par Éluard pour ses amis bibliophiles ? La composition du texte est légèrement différente de celle du tract décrit comme l’original, de sorte qu’en l’absence d’achevé d’imprimer, on ne peut pas savoir lequel précède l’autre. » (Vignes).
Vignes, Bibliographie des Éditions de Minuit, n° 8.