Plaidoyer pour une marquise

Romain Gary

Plaidoyer pour une marquise

S.l.n.d. [automne 1968].
2 f. et 9 f. (215 x 350 mm), en feuilles, à l’encre bleue.

 

Manuscrit autographe.
Il est enrichi d’un brouillon de deux pages, constituant le premier jet de la partie centrale du texte.

Une apologie ironique de Jackie Kennedy.

Il n’est pas anodin qu’entre la parution de La Tête coupable et de La Danse de Gengis Cohn aux États-Unis, Romain Gary soit particulièrement attentif et sensible à « l’affaire » qui agite la planète depuis la fin de l’été : le mariage annoncé entre Jacqueline Bouvier, veuve du président Kennedy, et l’armateur grec Aristote Onassis. Lui qui avait dénoncé dans The Guilty Head toute l’impossibilité de se cacher et la destruction du monde par les mauvais sentiments et la duplicité des hommes, le voilà servi avec cette annonce qui va agiter, des semaines durant, la presse et le public du monde entier.

Plus qu’un plaidoyer pour la veuve du président américain, Romain Gary propose une réponse ironique sur les voix critiques qui s’étaient élevées contre ce mariage et parlaient d’irrespect, de trahison ou de vulgarité, réfutant les sous-entendus que les médias firent circuler et n’acceptant pas les railleries la montrant inapte à tenir la place qui fut la sienne : « […] Que faites-vous donc lorsque vous êtes une aimable marquise qui aime le soleil, la mer, les voyages, qui a soif d’insouciance et qui surtout en a assez de tragédie grecque ? Vous épousez un Grec sans tragédie. Prenez la grandeur, l’Histoire, le mythe, le sang, le sérieux, et cherchez exactement le contraire de tout cela : vous risquez fort de tomber sur Aristote Onassis. N’oubliez pas que les marquises n’ont pas tellement le goût du bonheur : le plaisir leur suffit. Vous avez vécu à l’ombre d’un homme puissant : vous choisissez un homme également puissant, mais qui, lui, vivra dans votre ombre. Vous n’avez jamais été une femme choyée : votre illustre mari avait autre chose à faire. Vous épousez donc cette fois un homme qui jettera toute son immense fortune à vos pieds, pour qui vous êtes le couronnement triomphal, inespéré, fou, d’une vie de ‘parvenu’. Il va faire de notre marquise une véritable reine… Vous faites comme on disait jadis ‘une fin’. Certes, j’aurais préféré que Jacqueline Kennedy épousât, comme on disait chez nous au mois de mai, un ‘juif allemand’. Mais, à défaut, je me contente de la voir épouser un ‘parvenu’ et un ‘levantin’. Moi aussi, j’aime les jolies histoires… »

La réception aura lieu sur le yacht du milliardaire et sur l’île de Skorpios, dans la mer Ionienne. Le mariage avait été annoncé quelques semaines plus tôt, pendant les Jeux olympiques de Mexico : la nouvelle surprend outre-Atlantique et dans le monde et enflamme la presse et les médias. Une armada de journalistes embarqués sur une cinquantaine d’embarcations, parfois de fortune, joueront une vraie bataille navale le jour des noces pour approcher au plus près des festivités et des invités, anonymes et triés sur le volet, présents sur le yacht « Cristina » de milliardaire.

Gary reviendra, le 25 octobre 1968, sur cette affaire dans la « Radioscopie » que lui consacre Jacques Chancel. Dans Les Chênes qu’on abat (Gallimard, 1971), recueil des dernières conversations de De Gaulle avec Malraux, ce dernier dit avoir rappelé au général son ancienne prédiction sur le destin de Jackie, qui venait de se vérifier : « Elle finira sur le yacht d’un pétrolier. » De Gaulle lui répondit : « Je vous ai dit ça ? Tiens… Au fond, j’aurais plutôt cru qu’elle épouserait Sartre. Ou vous ! ».

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