Paris, Grasset, (10 novembre) 1933
1 vol. (130 x 205 mm) de 510 p. et [1] f. Buffle bordeaux, titre doré, date en pied, doublures et gardes de velours, tranches dorées sur témoins, couverture et dos conservés, chemise à petits rabats du même buffle, étui bordé (reliure signée de Loutrel-Delaporte).
Édition originale de la traduction française, par Alzir Hella. 
Un des 14 premiers exemplaires sur japon impérial (n° 10).
« Dans la Révolution Française, comme dans toute autre, deux types se dessinent nettement : les révolutionnaires que guide l'idéalisme, et ceux qui sont conduits par le ressentiment, les uns mieux partagés que la masse, veulent l'élever jusqu'à eux, lui faire atteindre leur niveau, leur culture, leurs formes de vie, augmenter sa liberté. Les autres, qui furent eux-mêmes longtemps malheureux, cherchent à se venger sur ceux qui furent plus heureux qu'eux et veulent imposer leur puissance aux maîtres d'hier. Un état d'esprit identique se rencontre aujourd'hui ».
Il fallut deux ans à Stefan Zweig pour rédiger cette biographie, sans doute la plus fouillée qu'il ait écrite, usant comme jamais de l'abondance du matériau documentaire ainsi que d'une critique rigoureuse : les sources sont questionnées, mises en perspective, vérifiées, recoupées, avec l'aide précieuse d'Erwin Rieger, son ami historien et futur biographe. Il privilégie avant tout des sources personnelles comme les lettres ou les journaux intimes, se plongeant d'abord dans la personnalité historique, puis, seulement dans un second temps, cherchant à éclairer le contexte dans lequel elle évolue. En décembre 1931, il réside un mois à l'Hôtel Louvois à Paris pour mener ses recherches à la Bibliothèque nationale. Dans un entretien avec le journaliste André Rousseaux, publié dans l'hebdomadaire Candide le 4 janvier 1934, il explique : « Pendant longtemps, je n'ai pas saisi très clairement le caractère de Marie-Antoinette. J'avais présents à la mémoire d'une part les exposés vivement discutés des avocats de la Révolution, et d'autre part les idolâtries de la littérature royaliste. Pour mon plaisir personnel, je voulus étudier ce caractère, et j'ai été amené ainsi à des recherches systématiques qui m'ouvraient sans cesse de nouvelles perspectives. Je me mis à fouiller dans les archives de Vienne et, avec une joyeuse surprise, je m'aperçus que des parties importantes de la correspondance de l'impératrice Marie-Thérèse n'étaient pas connues ». À la question de savoir ce qui l'avait poussé à écrire sur Marie-Antoinette, il répond : « Dans une figure comme celle de Marie-Antoinette, je vois la forme la plus humaine du tragique, et écrire l'histoire des humains a toujours été pour moi d'un attrait bien plus considérable que de m'attacher à celle des dieux. [...] l'histoire a éveillé en moi un vif intérêt ; la cause en est sans doute dans le trouble de notre époque. Avant 1914, j'appartenais à cette foule d'écrivains qui, systématiquement, ne lisaient dans un journal rien de la politique, de l'économie ou des sports, à l'égard desquels ils professaient le plus grand mépris ». 
Le texte sera rédigé dans le Midi, en compagnie de son ami Joseph Roth, attelé à sa Marche de Radetzki. Le succès fut immense et le livre, traduit en plusieurs langues. Le 20 octobre 1932, Freud écrivit à l'auteur combien sa « langue entièrement mûrie, libérée d'un certain enthousiasme et d'un certain pathos, ainsi que la limitation de l'évocation aux éléments les plus immédiats et les plus nécessaires révèlent (...) un maître. »
La biographie exige de la patience, de la curiosité, de la méticulosité et le goût de recueillir tout document susceptible d'éclairer son sujet : Zweig en fit preuve dès l'adolescence en collectionnant autographes et manuscrits. Il en possédait de nombreux  (poèmes, textes ou de partitions), autant de précieux documents qui éveillèrent son intérêt pour l'activité biographique. Dans son autobiographie, Zweig dévoilera comment cette activité était devenue, au fil des ans, une véritable passion, faisant de lui un « fouineur acharné » dont la curiosité, transformée en « étonnement », puis en « désir de vie » fut à l'origine de ses recherches biographiques. Dans une lettre à Alzir Hella du 28 mars 1933, il témoigne de sa fascination de collectionneur d'autographes pour la vérité historique, en lui adressant les fac-similés des signatures de rois de France, pour lui symboles d'authenticité : « J'envoie en même temps une feuille sur Marie-Antoinette pour la ‘Publicité' ; ce sont les signatures de toute la Cour de France sur une feuille unique, que rend particulière-ment remarquable le fait qu'ici, pour une unique fois, les signatures de quatre rois français, Louis XV, Louis XVI, Louis XVII et Charles IX sont réunies sur cette seule feuille. » 
Très bel exemplaire.
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