Un des 109 premiers exemplaires réimposés sur papier vergé Lafuma Navarre (n° XCVI).
« Pas de quoi se vanter quand vous la possédez, puisque votre puissance n’est qu’un accident engendré par la faiblesse d’autrui ». En d’autres termes, pour qu’il y ait des puissants il faut d’abord qu’il y ait des faibles. Le puissant, c’est Kurtz, un aventurier surdoué, produit idoine de l’Occident qui s’est aventuré dans les profondeurs de la jungle congolaise jusqu’à soumettre une tribu par le seul pouvoir de son éloquence fastueuse et maléfique. Le voyage de Charles Marlow, un jeune officier de la marine marchande britannique, dans les territoires sauvages de l’Afrique pour récupérer ce Kurtz, « responsable d’un comptoir commercial et très efficace collecteur d’ivoire », devient une plongée dans l’inconscient, noyé dans la jungle, la sueur, les bruits, la chaleur, les longues marches et la folie, et ce sont dans ces ténèbres que les hommes s’agitent en vain, luttant contre des forces qui les dépassent et qui les entraînent, à la fin, dans la solitude ou dans la mort.
Au coeur des ténèbres avait paru en feuilleton dans le Blackwood’s Magazine en 1899, puis au sein d’un recueil de trois récits publié par Conrad en 1902 : Youth: A Narrative, and Two Other Stories.
Ces deux formidables récits, nés du souvenir d’expériences personnelles – celles que Conrad connut au Congo belge de juin à décembre 1890 -, inspirèrent Francis Ford Coppola pour la trame de son Apocalypse Now, sans toutefois conserver la surprenante ambiguïté de l’aventure de Marlow et de Kurtz. Citons encore Aguirre, la colère de Dieu, de l’Allemand Werner Herzog, sorti en 1972, avec Klaus Kinski dans le rôle-titre : la trame – transposée dans l’Amérique latine des conquistadors – est également inspirée d’un autre livre de Conrad, La Folie Almayer.