Paris, Flammarion, (janvier) 2022
1 vol. (140 x 210 mm) de 688 p. et [2] f. Broché, non coupé, couverture blanche avec motif imprimé.
Dans un emboîtage coffret de demi-maroquin noir, doublure agneau velours gris, dos lisse, titre doré. 
Édition originale.
Un des 200 premiers exemplaires
sur vélin Rivoli.
3 doubles pages en quadri, aux pages 
96-97 ; 98-99 ; 570-571
" Dans une rencontre avec Michel Houellebecq publiée par Le Monde, la seule accordée par l'auteur à l'occasion de la sortie d'Anéantir, on apprend que deux portraits ornaient le bureau sur lequel l'auteur a rédigé son huitième roman. Une photo de Bruno Le Maire et une autre de Carrie-Anne Moss, l'interprète de Trinity dans la saga Matrix. Deux inspirations qu'on retrouve explicitement dans Anéantir, et qui reflètent le grand écart auquel on assiste le long de ces sept cents pages qui se présentent d'abord, brièvement, comme un polar d'espionnage, avant de se laisser complètement aller à leur nature houellebecquienne, dodelinant entre inspection acérée de l'intime et considérations générales sur l'état de la France et du monde.
Et c'est lorsque l'auteur se plonge dans ces considérations que, sans surprise au fond, l'aspect Matrix (et non marxiste…) du roman apparaît le plus clairement. Puisqu'à lire ces lignes, empreintes de nostalgies vaguement royalistes, une question s'impose: dans quelle réalité vit Michel Houellebecq ?
Dans la même que nous tous, et c'est cette évidence qui fonde finalement le plus grand intérêt d'Anéantir. Le point de vue qu'exprime l'auteur star de notre époque et de nos contrées est celui d'un homme dépassé par un monde qui change et qui s'interroge. Houellebecq, lui, semble moins se poser des questions qu'asséner des constats fielleux et laisser ses personnages s'enfoncer dans des destins tragiques qui lui semblent inévitables et causés, selon lui, par la société moderne, par les apparats du progrès, les glissements de valeurs ou encore la multiplication d'idéologies ultra spécifiques.
Le portrait du réel, du moins médiatique, est assez fidèle, érudit même. Ce qui gêne ou peut gêner, cependant, au fil des pages de ce roman au style par ailleurs sobre mais parfaitement fluide et maîtrisé, comme toujours chez Houellebecq, c'est l'amertume constante de l'auteur de 65 ans. Ce qu'il nomme plusieurs fois «décadence», le romancier semble en fait le résumer à la fin d'un monde où son espèce, son ethnie, son genre et sa classe sont au centre de tout.

Oui, l'homme blanc vieillissant, proche de divers hommes de pouvoir, intellectuel déconnecté du réel non médiatique (les différences de classe sont notamment traitées avec une négligence étonnante, ne s'apitoyer quasiment que sur des personnages bourgeois n'aidant certainement pas), oui, celui-là n'est peut-être plus l'avenir de l'Homme. Anéantir est le testament de ce passé-là. Un passé réactionnaire au possible et cependant bien présent, bien vivant, bien votant. Il serait bête, inconscient même, de l'ignorer. Qui plus est lorsque ce passé prend la forme d'un roman certes désuet dès sa sortie (les six derniers mois d'actualité politique invalident la plupart des projections du roman dont l'action se déroule en 2026-2027), mais dont le charme se trouve paradoxalement dans cet aspect immédiatement suranné qui fait office d'aveu involontaire. Qui plus est, encore, parce qu'au-delà de ses déambulations critiques, Houellebecq, après deux romans superficiels et loin de son niveau, retrouve ici les hauteurs qui ont été les siennes dans ses premiers romans. La plupart de ses personnages, le principal en tête, sont profondément touchants, et les deux cents dernières pages, plus universelles que les précédentes, se relèvent aussi dignes que bouleversantes. Dix ans après La Carte et le Territoire, qui lui a valu le prix Goncourt, l'écrivain s'attaque de nouveau au sujet de la mort, mais d'une façon bien plus réaliste et incarnée. Des pages fortes, qui restent, voire qui aident.

Un livre dont la principale qualité s'exprimera assurément par ce double mouvement pas si paradoxal: il satisfera primitivement les défenseurs du vieux monde, les abrutira même, et fera réagir les autres tout en nourrissant leur connaissance de la psyché nostalgique, cette réalité souvent alternative, qui couve la plupart des débats actuels. En somme: un livre qui pourrait rendre plus intelligents ses opposants naturels. Signe d'un grand roman? D'un grand écrivain en tout cas, oui, sans nul doute." (in Slate.fr, 5 janvier 2022).
Parfait état de neuf.

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