Vendredi ou les limbes du Pacifique
Michel Tournier

Vendredi ou les limbes du Pacifique

Paris, Gallimard, (23 juin) 1967.
1 vol. (140 x 205 mm) de 204 p. et [2] f. Broché.

 

Envoi signé : « À Maurice Genevoix en hommage de l’auteur, Michel Tournier ».

Quand il reçoit le Grand Prix du Roman de l’Académie française pour Vendredi ou les Limbes du Pacifique, Michel Tournier a quarante-deux ans et c’est son premier roman. C’est Raymond Queneau qui repèra la singularité de l’ouvrage au comité de lecture Gallimard et qui poussa à sa publication ; à sa sortie, l’ouvrage ne suscite pas pour autant de reconnaissance immédiate des milieux lettrés et est rarement évoqué dans la presse, à l’exception d’un article de René Marill Albérès dans Les Nouvelles littéraires qui salue dès avril 1967 ce « Robinson Crusoé revu et corrigé à travers Freud, Jung et même Claude Lévi-Strauss ». Le livre passe l’été sous les radars et ne figure pas dans les listes des prix littéraires, et encore moins celle du l’académie Goncourt qui, pour la première fois dans son histoire, envisage de ne pas décerner son prix, comme l’y autorisent le testament des frères Goncourt et les statuts. Pour qu’on se résolve à une telle extrémité, l’unanimité des votants est requise, ce qui ne sera jamais le cas. Mais, avertit le juré Philippe Hériat à la dernière réunion de sélection, c’est « un coup de semonce à la médiocrité de ce qui se publie et s’édite » (in Registre du prix Goncourt, procès-verbal du 7 nov. 1967, Archives Goncourt, Nancy).

Cependant, à l’Académie française, on tente de se renouveler en voulant couronner une plume naissante, solide et puissante : Vendredi ou les limbes du Pacifique sort alors du chapeau. On ne sait qui flaira l’affaire, mais Maurice Genevoix y prit sans doute sa part, lui qui avait reçu – cet exemplaire en témoigne – le texte dès le mois de juin. Genevoix, secrétaire perpétuel de l’Académie française, qu’il en soit à l’origine ou qu’il n’en soit qu’un supporter, expliquera avec finesse et talent, dans le discours qu’il prononce le 21 décembre 1967, pourquoi l’ouvrage est célébré : « Chaque année ou presque, la Commission du Prix du Roman se trouve en présence d’une alternative : consécration ou découverte. À consulter le palmarès, il semble, surtout aux premiers temps du prix, que notre choix ait adopté plus fréquemment le premier critère. En 1967, nous avons changé de cap. L’expression est permise, puisque le récit primé débute par une tempête suivie d’un naufrage. Vendredi ou les Limbes du Pacifique, de M. Michel Tournier, est, en effet, le premier livre publié par l’auteur. On y rencontre des symboles que je ne me chargerai pas d’expliquer, car le narrateur s’entend à brouiller les pistes, à cacher les mythes et les considérations philosophiques sous son goût de l’aventure de son observation de naturaliste. Nous suivons pas à pas cet explorateur tantôt sérieux et tantôt moqueur. Nous participons à sa ferveur envers la nature, même quand elle le pousse à des épousailles bizarres. C’est un livre baroque et bien construit tout à la fois. Il a de la sève, de l’odeur et une belle puissance de raisonnement. Il atteste une personnalité éprise de culture, mais assez volontaire pour échapper à toute influence. Quand j’aurai ajouté qu’il est écrit dans une langue sûre, qui cherche l’exactitude des termes en même temps que l’harmonie de la phrase, on comprendra que nous soyons impatients de lire les nouveaux romans annoncés par M. Tournier. Celui-ci, par son originalité et sa maîtrise, avait sa place dans notre palmarès. » (Maurice Genevoix, « Discours sur les prix littéraires », séance publique annuelle, 21 déc. 1967).

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