Une saison en enfer
Arthur Rimbaud

Une saison en enfer

Bruxelles, Alliance typographique (M.-J. Poot et Compagnie), 1873.
1 vol. (120 x 180 mm) de 53 p. dont la couverture et [17] pages non imprimées : 3-4, 13-14, 18-20, 27-28, 37-38, 42-44, 47-48 et 50. Broché, sous coffret (Devauchelle).

 

Édition originale.

Seule édition et seul volume de poèmes publié du vivant de Rimbaud.

Très bel exemplaire, avec un billet autographe signé de Verlaine pour son sonnet « À Arthur Rimbaud » qu’il vient de rédiger et que La Plume va publier moins de quinze jours plus tard.

Nous ne reviendrons pas (trop) longtemps sur cette histoire connue de tous : Léon Losseau qui se rend chez l’imprimeur Poot à Bruxelles, la descente à la cave, le ballot poussiéreux, le poële : « C’était en 1901 [décembre 1902, en fait]. Je recherchais un tirage à part de La Belgique judiciaire, recueil qui pendant soixante ans fut imprimé à Bruxelles […]. Vous comprendrez quelle fut l’émotion que ressentit le bibliophile lorsqu’il vit ce que contenait un ballot sali, maculé, couvert de poussières que parmi d’autres il venait de soulever : des centaines d’exemplaires de La Saison en enfer de Rimbaud ! » Rimbaud n’avait pas payé sa facture. L’imprimeur avait gardé les ouvrages et son commis, Adrien-Roméo de Ghilage, qui était ouvrier au moment de la composition, en 1873, était devenu le successeur de Poot, au 49 de la rue aux Choux.

Losseau numérote les premiers exemplaires qu’il distribue, à l’angle supérieur droit, à la plume, à ses amis et à quelques écrivains (Zweig, Rolland, Maeterlinck, Verhaeren), et à quelques bibliothèques. Le tirage originel fut d’un peu plus de 500 exemplaires ; Rimbaud en distribua quelques-uns, généreusement cédé par l’imprimeur (moins de dix, que le poète offre à Paul Verlaine alors en prison, à Ernest Delahaye, à Ernest Millot, à Jean-Louis Forain, à Jean Richepin. Les « autres » ne sont pas connus). Ces exemplaires, rarissimes, firent longtemps la fierté des bibliophiles et l’annonce de Losseau, en 1914, fit grand bruit en France : « la presse se gaussera des collectionneurs marris de voir leur exemplaire prétendument rarissime de la Saison perdre une bonne partie de sa valeur marchande » (J.-J. Lefèvre, in Sur Arthur Rimbaud, t. 3, année 1914).

Losseau dit être reparti avec 425 exemplaires (le reçu, daté du 1er janvier 1903, fait état de 400 exemplaires). Paterne Berrichon, rapidement au courant de la « trouvaille », souhaite que Losseau, ni plus ni moins, brûle les livres qu’il avait trouvés. Il refuse ; ce qu’il détruira, en revanche, c’est la fable, le mensonge de l’autodafé qu’Isabelle et Paterne Berrichon avaient colportée depuis des années et souhaitaient se voir poursuivre.

Losseau est mort en août 1949 et, en 1938, prétendit n’avoir jamais mis dans le commerce aucun exemplaire, hormis les quelques exemplaires cédés en 1914. Ce ne fut qu’en 1943 qu’une partie de ce stock des volumes brochés d’Une saison en enfer fut cédé à un libraire bruxellois. Lequel, pieusement, lentement, les mis sur le marché. Mais une partie seulement, du « stock Losseau » : dans le bel hôtel particulier de la rue de Nimy, son coffre-fort abrite encore ces fameux exemplaires découverts en 1901. Ils sont soigneusement protégés, inaccessibles et inaliénables. Philanthrope, mécène, bibliophile, collectionneur de médailles, il lèguera à sa mort, à la ville de Mons et à la Province de Hainaut, sa maison, rue de Nimy, qui contient sa remarquable bibliothèque de près de 100 000 livres et périodiques ! Docteur en Droit de l’Université de Liège, docteur en Sciences politiques et administratives, avocat au Barreau de Mons, Léon Losseau ne plaida que pour défendre la cause des humbles et des déshérités. Avocat, bâtonnier, administrateur de sociétés, cet érudit jouit d’une aisance matérielle suffisante qui lui évita de passer ses journées au prétoire, lui préférant les conclaves des nombreuses sociétés savantes dont il est membre. Son nom reste à jamais attaché maintenant à la découverte des mythiques exemplaires d’Une Saison en enfer.

Attachant exemplaire enrichi d’un billet autographe de Verlaine : « Reçu de Vanier éditeur la somme de cinq cents francs – Sonnet sur la mort de Rimbaud, Paris, 30 janvier 93, P. Verlaine ».

Ce sonnet, intitulé « À Arthur Rimbaud – Sur un croquis de lui par sa soeur », fut écrit immédiatement après que Vanier eut montré à Verlaine un dessin réalisé par Isabelle Rimbaud, représentant son frère en Abyssin, vêtu d’une gandoura et jouant de la harpe. Ce croquis, inspiré d’une gravure ethnographique, bouleversa Verlaine, qui rédigea le poème le jour même. 

Le sonnet fut publié le 15 février 1893 dans la revue La Plume et sera publié en volume dans Dédicaces, que Vanier édite en 1894. Il commence par ces vers :  

« Toi mort, mort, mort ! Mais mort du moins tel que tu veux,
En nègre blanc, en sauvage splendidement
Civilisé, civilisant négligemment
(…)
Tu meurs en poète et soldat, grand comme un enfant. »

Un rare éloge posthume, autant qu’une méditation sur la figure de Rimbaud devenue mythe : Verlaine y projette son admiration intacte pour le génie de son ancien compagnon.

Très bel exemplaire.

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