Souspente

Alain Tudal, Pierre Reverdy

Souspente

Paris, Editions Robert-J. Godet, 1945

1 vol. (255 x 330 mm) de V, 35 p, [1] et 1 f. Veau noir orné d’un décor géométrique de veau blanc, noir et gris, relevé d’une pastille centrale de veau bordeaux, titre doré à la chinoise, tranches dorées sur témoins, couvertures et dos conservés, chemise et étui bordé (Reliure signée de P.-L. Martin, 1966).

 

Édition originale.

Un des 125 exemplaires sur Rives BFK à la forme (n° 51).

Lithographie originale de Georges Braque en frontispice, exécutée par Mourlot.

Préface de Pierre Reverdy.

 

Très belle reliure mosaïquée de Pierre-Lucien Martin.

Né en 1931, fils du peintre Olek Teslar, beau-fils de Nicolas de Staël qui vécut avec sa mère (elle-même peintre) Jeannine Guillou rencontrée au Maroc, Antoine Tudal aimait à retracer les circonstances étonnantes et émouvantes qui le conduisirent à l’âge de treize ans à attirer l’attention de Pierre Reverdy par la qualité de ses poèmes. Le poète ami des cubistes les publia peu après sous le titre Souspente, en les préfaçant personnellement et en convainquant Braque d’orner la couverture du recueil d’une lithographie originale.

 

« J’avais treize ans. J’avais déjà composé un recueil, plus précisément une cinquantaine de poèmes. Je vivais avec Nicolas de Staël qui vivait avec ma mère. On était venu s’installer à Paris clandestinement, avec ma mère et ma petite soeur qui était la fille de Nicolas de Staël et de ma mère. Et, par un concours de circonstances curieux, elle a donné les poèmes à quelqu’un qui les a tapés. Le lendemain, ils avaient été lus par la comédienne qui s’appelait Jandeline, qui les a fait passer à une amie à elle qui s’appelait Nadine Robinson (l’épouse du peintre Cassandre), qui était l’amie de Pierre Reverdy, qui les a fait passer à Braque. Ainsi, en quarante-huit heures, Braque et Reverdy avaient rencontré ce que j’avais écrit. Et Reverdy a absolument tenu à me connaître. Il faut se rappeler qu’il y avait la guerre, le couvre-feu, les Allemands partout. Mais un jour, Reverdy a débarqué à la maison, avec de grands filets à provisions remplis de victuailles. C’était extraordinaire : il y avait du foie gras, un poulet, du vin, du champagne. Il était accompagné de deux ou trois amies. On a passé la journée ensemble, une journée complètement hors du temps. Car pour l’occasion, on m’a sorti de ma mansarde en me disant : « il y a un grand poète qui veut te voir, alors lave-toi ! »-. Il m’a serré la main et avec la voix que vous avez entendue, il m’a dit : « Bonjour, collègue ». Puis vint Braque. Là-dessus Reverdy lui dit : « Tu vas lui faire une lithographie, hein ? » Après un petit temps de surprise, Braque a dit : « mais oui, c’est évident, il faut le publier ». Au bout de quelques mois, Braque m’a dit : « j’ai vu Gaston Gallimard qui veut absolument te publier ». Il faut dire qu’il y avait à la clé une illustration de Braque, et que Reverdy avait déjà promis de faire une préface. Mais le poète a ajouté : « il est trop vieux pour toi, il ne faut pas aller chez Gallimard ». Alors, il m’a dit : « J’ai refusé Gaston Gallimard et je t’ai trouvé un jeune éditeur qui a vingt-trois ans, et qui sera très bien, puisque tu as quatorze ans. Vous allez pouvoir faire une longue vie ensemble. » Ce jeune homme de vingt-trois ans s’appelait Robert Godet. C’était un jeune fou, qui a absolument voulu m’éditer. Il avait déjà édité deux ou trois choses intéressantes. On s’est donc lancés dans l’entreprise. Il était prévu de faire une édition de luxe avec une lithographie de Braque (qui avait fait sa litho en incluant à l’intérieur le titre du livre : l’orthographe particulière du titre est donc due à Braque. Comme le titre était intégré par le peintre cubiste à sa lithographie, l’orthographe a subsisté). On devait faire cent exemplaires de luxe qui se vendraient très cher, et ensuite une édition ordinaire pour que soient diffusés les textes. En fait, ce qui s’est passé, c’est que ce jeune Robert Godet a effectivement édité les cent exemplaires de luxe, un livre assez joli, qu’on ne trouve plus évidemment. Nous les avons partagés : il nous en a apporté cinquante, il a pris les cinquante autres. De son côté il les a vendus en huit jours, et puis il est parti au Tibet, dans une carriole, et on ne l’a plus revu avant quinze ans. ”

 

Françoise de Staël, Nicolas de Staël : Catalogue raisonné, Lettres de Nicolas de Staël, Lausanne, Ides et calendes, 1997, p. 90 sq. ; Tudal, Reverdy, le « vieillard de treize ans », in Littérature, 2016, n° 183), p.118 à 128.

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