Paris, Gallimard, 1945
1 vol. (190 x 237 mm) de 90 p. Broché, emboitage pleine toile noire, pièce de titre.
Édition originale.
Un des 1000 exemplaires sur Chataignier (seul papier après les 13 exemplaires sur pur-fil).
Précieux exemplaire de Julien Gracq.
Envoi signé : “à Julien Gracq, avec la sympathie amicale de René Char“.
Le premier des ouvrages de Char envoyé à Julien Gracq, en réponse à l’envoi du Beau ténébreux, paru presque le même jour de février 1945 et envoyé au poète par le romancier.
Il n’existe que peu d’échanges entre les deux hommes : six lettres de Char à Gracq, détenus par la Bibliothèque Doucet (Ms 5101643, préemption vente de 2008 – le contenu est inédit pour la totalité), dans lesquels Char lui confie « combien votre oeuvre m’est proche, je peux dire, constante […] Dans cette démarche misérable à travers les livres de poèmes de ce temps, il arrive le miracle de Liberté Grande [paru l’année suivante de Seuls demeurent] ».
La plus ancienne des lettres est datée du 17 juillet 1946 et Gracq ne possédait que trois autres ouvrages de Char avec envoi : ce Seuls demeurent (1945), Commune présence (1964), Faire du chemin avec (1976) et Chants de la Balandrane (1977). Deux autres titres, perdus pour l’heure, semblent avoir été envoyé par René Char à Julien Gracq : Les Feuillets d’Hypnos en 1946 et Lettera Amorosa en 1952.
Notre exemplaire est sans doute le témoin du tout premier contact entre les deux hommes, en tout cas du premier échange.
Le romancier et le poète font paraître en ce début d’année 1945 chacun un ouvrage : Un beau ténébreux est achevé d’imprimer le 23 février, et Seuls demeurent le 24 ! Difficile, dès lors, de savoir qui a fait le premier pas. Il paraît néanmoins vraisemblable que ce soit Julien Gracq, qui n’avait fait paraître que Le Château d’Argol en 1936, qui ait fait ce premier pas en lui envoyant un exemplaire du Beau Ténébreux, avec la dédicace suivante : « A René Char en très grande sympathie. Julien Gracq » (Sotheby’s, décembre 2014, lot 150).
Lequel, en retour lui aurait envoyé cet exemplaire, qui marque le retour de René Char à la poésie. Il s’était engagé à ne rien publier de ce genre pendant la guerre. René Char, à la parution des Feuillets d’Hypnos l’année suivante, lui écrira le 15 juillet, inaugurant la correspondance (la première des lettres de Char à Gracq est datée du 17 juillet) : « […] Celui-ci [Les Feuillet d’Hypnos] m’a paru très beau, et le moindre éloge que j’en ferai n’est pas qu’il me gêne, comme me gênait Seuls demeurent en ce sens qu’il jette une ombre sur presque tout ce qui est paru depuis la guerre, le décolore. Je me dis que cela vient — même si cela vous est désagréable à entendre, je ne sais : je ne pense pas que ce soit dans ce sens que vous souhaitez des échos à votre livre — du sentiment que vous gardez, à peu près seul dans toute la littérature qui touche à la résistance, qu’il n’y a pas grand’chose de commun entre le monde de la volonté et celui de la poésie ». (in Dans l’atelier du poète. Gallimard, Quarto, 1996, p. 454).
Ces deux textes, Hypnos et Seuls demeurent, resteront les deux recueils préférés de Julien Gracq. A de maintes reprises, la correspondance conservée à Doucet le souligne, ainsi que l’autre lettre connue de Gracq à Char (datée du 13 février 1952) : « Merci de votre Lettera amorosa. Je la place avec les Feuillets d’hypnos et Seuls demeurent parmi les textes de vous qui me sont les plus chers […]. »
Une oeuvre majeure du poète, ici dans une provenance littéraire des plus désirables.
Bandeau à parution conservé.
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