Seuls demeurent
René Char

Seuls demeurent

Paris, Gallimard, (24 février) 1945.

1 vol. (185 x 230 mm) de 90 p. et [1] f. Demi-percaline marron, pièce de titre, couvertures conservées.

Édition originale.

Un des 1 000 exemplaires sur châtaignier (n° 457).

Envoi signé : “À Georges Bataille, intime de l’homme abrupt dans sa prison, René Char”.

Un autre ” hôte ” de Vézelay est Georges Bataille : non pas chez les Zervos (même si il deviendra un visiteurs régulier du hameau de La Goulotte, perché sur une petite colline face au village où le couple s’est réfugié), mais dans une des plus modestes maison du village, au 59 de la rue Saint-Étienne, au bout de cette rue principale à l’endroit où elle se se divise en deux voies qui convergent vers la basilique. 

Il y loue à partir de mars 1943 une maison située à mi-pente, en face du café. En 1942, à nouveau tuberculeux, Bataille fut mis en congé de son poste de bibliothécaire à la Bibliothèque nationale : il arrive à Vézelay après une longue errance, depuis l’annonce de sa maladie, à travers Paris et la région parisienne, puis la Normandie, où il a écrit le Mort. Il vient pour se  soigner, mais aussi parce que c’est la guerre. ” Il se donne un an à Vézelay pour guérir, tout en continuant ce qu’il appelle son « expérience intérieure » : « L’expérience intérieure répond à la nécessité où je suis […] de mettre tout en cause sans repos admissible. » Au printemps 1943, le titre éponyme est publié chez Gallimard. C’est le premier livre important sous son nom (…). Sa venue à Vézelay pourrait être liée aux relations qu’il entretient à ce moment-là avec Paul Éluard, et de ce fait avec les Zervos, qui passent à Vézelay une bonne partie de la guerre (…) Ce qui est sûr, c’est qu’Éluard et Bataille vont se voir à Vézelay durant l’année 1943 (…) ” : Bataille y arrive avec sa fille Laurence, sa maîtresse Denise Rollin, avec laquelle il se séparera deux ans plus tard, après sa rencontre à Vézelay avec Diane Kotchoubey de Beauharnais. Cette dernière le rejoint pour vivre avec lui rue Saint-Etienne à partir de 1945, puis devient la mère de sa seconde fille, Julie (en 1948), et enfin son épouse (en 1951). C’est enfin à Vézelay que Bataille créera la revue Critique, en 1946, ” qui lui donnera une dimension intellectuelle indéniable, dialoguant avec Sartre, Merleau-Ponty, Camus, Breton, Char, avec une grande part de l’intelligentsia française, pour défendre une position tout à fait originale puisqu’il n’est ni communiste, ni engagé, ni surréaliste, ni existentialiste… Tout cela s’est déterminé à ce moment-là, ici, à Vézelay “. (Christian Limousin, in Revue des deux mondes, Georges Bataille, vers une colline athéologique). 

Par rapport à la guerre, Bataille propose une attitude tout à fait singulière – qui lui a été souvent reprochée : face à la guerre, face à l’occupation, ni lamentation, ni analyse, ni passivité, ni résistance – ni collaboration, par ailleurs, et il reçoit davantage de résistants que de collaborateurs, cachant chez lui le résistant Fardoulis-Lagrange.

Mais la naissance de Julie en décembre 1948 et les impératifs financiers de la revue l’obligent à reprendre un emploi de conservateur, à Carpentras. ” Cette ville, Char se donna la peine de la présenter sous le jour le plus favorable à Bataille sur le point de prendre son peste. A la faveur de ce séjour se noua entre eux “une essentielle complicité intellectuelle “, dont les premisces datent de quelques années en arrière : en 1943, Char évoque sa lecture de L’Expérience intérieure, tout juste publié, et que Bataille lui a envoyé (cf. n° suivant) ; Eluard possède quant à lui en double Madame Edwarda, qu’il offre à René Char, le 1er novembre 1944, quand le poète rentre d’Alger. Six mois plus tard, le 7 avril 1945, ” Bataille ajoute à sont tour une dédicace, sur le même exemplaire : ” j’ai finalement à me réjouir d’avoir aujourd’hui rencontré René Char ” (Dans l’atelier du poète, p. 378, cité par Jean-François Louette, Bataille et Char, in René Char en son siècle, p. 324), quelques semaines donc après avoir reçu la dédicace de Seuls Demeurent. 

Après Carpentras, Bataille sera muté à Orléans en juillet 1951, ce qui lui permettra de revenir régulièrement à Vézelay, où il choisira d’être inhumé.

Dans la bibliothèque de Bataille, Seuls demeurent est le titre le plus ancien présent, et cette dédicace est selon tout vraisemblance la toute première jamais faite. C’est par ailleurs l’un des rares volumes que Bataille aura fait relier (à Orléans, chez le relieur J. Moreau). Moins de quinze ans exemplaires parmi les 1283 titres sont reliés, preuve que ” les difficiles conditions d’existence de l’écrivain dans l’après-guerre sont perceptibles jusque dans la modestie des exemplaires “. A ce titre, le choix d’avoir fait ainsi établir Seuls demeurent ne peut être que difficilement le fruit d’un hasard. Toutes modeste qu’elle soit, cette reliure est ” typique des livres que Georges Bataille préférait dans sa bibliothèque ” (Henri Vignes, La bibliothèque de Georges Bataille, septembre 2022, n° 43, pour les OEuvres de Max Ernst, aux Éditions des Cahiers d’art). 

Char offrira ensuite à Diane seule Le Poème pulvérisé (1947), puis, à Bataille ou au couple, L’Héraclite d’Éphèse, publié par les Zervos aux éditions des Cahiers d’Arts en 1948, Le Soleil des eaux, en 1949, les Quatre fascinants, en 1951, À la santé du serpent, en 1954 et enfin La Bibliothèque est en feu, en 1956.   

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