Révolte dans les Asturies

Albert Camus

Révolte dans les Asturies

À Alger, pour les amis du théâtre du travail, [mai 1936].
1 vol. (140 x 199 mm) de 1 f et 25 f. n. ch. Broché.


Édition originale.
Tirage unique [à 500 exemplaires] sur papier vergé.

Le théâtre a toujours été la grande affaire de la vie de Camus. Lorsqu’est créée, par la cellule communiste de Mustapha, la troupe du Théâtre du Travail en 1935, Albert Camus propose d’en devenir l’animateur. En quelques mois furent créés et joués Le Temps du mépris, Les Bas-fonds, Prométhée enchaîné et La Femme silencieuse. Révolte dans les Asturies connaîtra un sort plus chaotique, mais déterminant. Le sujet – une insurrection de mineurs réprimée en 1934 par le gouvernement espagnol – inspire Camus et ses ami(e)s : deux professeurs du lycée d’Alger, Bourgeois et Poignant, et Jeanne Sicard, qui en seront les principaux rédacteurs. « Quant au titre, il fut l’objet de discussions sans fin. Nous hésitâmes longtemps entre La Neige et La Vie brève. Nous finîmes par nous rallier à celui de Révolte dans les Asturies par lassitude » (Jeanne-Paule Sicard, lettre à Francine Camus). Mais le maire d’Alger, Augustin Rozis – élu en 1935, il enverra à Daladier un télégramme, refusant d’accueillir des réfugiés espagnols républicains – interdit la représentation. Afin de couvrir les frais engagés, le groupe décide de faire publier la pièce et Camus se tourne alors vers un jeune éditeur en devenir, ancien condisciple de lycée, Edmond Charlot. Ce dernier, poussé par Jean Grenier, vient tout juste de fonder sa maison d’édition. Il n’a pour l’heure ni local ni argent, mais trouve un accord avec un petit imprimeur et publie cet essai de création collective « pour les amis du Théâtre du Travail », qu’il signe de ses initiales e.c.

500 exemplaires de Révolte dans les Asturies sont ainsi imprimés en mai 1936.

Rapidement épuisée, cette première édition encourage le jeune protégé Edmond Charlot à monter son commerce. Albert Camus, quant à lui, a déjà commencé la rédaction de certains essais de L’Envers et l’Endroit et quelques lignes des nouvelles de Noces, que Charlot publiera en 1939 et 1937.

Émouvant exemplaire, celui de Max-Pol Fouchet : les deux hommes se rencontrent tôt, très tôt, à Alger. Au sortir du lycée Hoche, en 1930, Fouchet et Camus se côtoient aux Jeunesses socialistes. Grands adolescents, exigeants, contestataires, assoiffés d’absolu et de justice, ils voient tous les jours le spectacle d’Arabes méprisés, bafoués, – ils trouvent leurs idéaux, leur raison de vivre et de lutter dans les livres, dont ils font une consommation avide. À Alger, « dans cette ville pauvre en structures intellectuelles, deux adolescents passionnés, c’est miracle, réclament le droit d’aimer sans mesure » (Max-Pol Fouchet, Un jour, je m’en souviens).

L’un des textes les plus anciens de Camus, Beriha ou le rêveur, est publié dans Sud, vers 1932, et Fouchet en fera une critique, à laquelle Camus répondra, en toute amitié. Camus est alors secrétaire de la section algérienne du Mouvement Amsterdam-Pleyel et, avec Louis Bénisti, Jean de Maisonseul, Claude de Fréminville, Max-Pol Fouchet et Louis Miquel, ils forment une bande de jeunes garçons attirés par les lettres, le soleil et… les jeunes femmes. Les deux hommes se fâcheront pour ce motif : Max-Pol Fouchet est en couple, et même fiancé, avec Simone Hié, une starlette algéroise de bonne famille, hélas toxicomane. Mais Camus, en 1933, lui ravit l’accorte fiancée, l’épouse et lui consacre, l’année suivante, Le livre de Mélusine, son seul conte. Il s’en séparera très vite, avant de faire la connaissance d’une autre femme fatale, Christiane Galindo. Mais le mal est fait et Fouchet et Camus resteront brouillés plusieurs années.

Néanmoins, comme en témoigne cet exemplaire, Fouchet suivra toujours l’itinéraire de son ancien ami. Ils se retrouveront après-guerre, et les deux hommes, par dédicaces interposées, s’échangeront leurs livres.

Le 13 janvier 1960, neuf jours après la mort d’Albert Camus, “Lectures pour tous” s’ouvre exceptionnellement sur le visage grave et ému de Max- Pol Fouchet, dont la chronique clôt habituellement l’émission. Le fond est noir et, la voix nouée, Fouchet commence ainsi son éloge de Camus, long de treize minutes : « Je sais que quelque chose en ce monde a du sens, et c’est l’homme, car il est le seul à chercher à en avoir. » L’écrivain qui nous a laissé ces lignes, vous le savez, est mort, c’est Albert Camus (…) Chacun a ses souvenirs de Camus, j’ai les miens et il me semble que je le vois ce soir, devant moi, à une époque où il n’était pas encore Albert Camus, mais où il se préparait à le devenir. C’était vers 1932, nous étions jeunes et nous avions l’habitude d’aller nous promener sur les chemins qui surplombent la baie d’Alger. Il y avait un chemin que Camus aimait particulièrement, c’était celui de la Bouzaréah. »

Max-Pol Fouchet aura toujours conservé de cette époque l’exemplaire de Révolte des les Asturies, qu’il complète d’une petite étiquette qu’il plaça au dos muet du volume. Comme un besoin de s’y replonger de temps à autres et de ne jamais le perdre de vue.

La couverture, abîmée par les multiples déménagements de Fouchet, a été légèrement et très habilement restaurée.

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