[Mougins, 15 septembre 1965].
1 photographie originale sur Polaroïd (72 x 95 mm [taille de l’image]), sur fond (85 x 105 mm), en couleurs, prise par l’artiste, sous encadrement.
Exceptionnelle et unique épreuve polaroid de cette photographie prise par Picasso.
Elle représente son ami René Char arborant la coiffe indienne offerte par Gary Cooper.
Au verso, mot autographe signé, à l’encre bleue, sur un papier fort contrecollé (le verso du polaroïd empêchant toute inscription), renseignant le lieu et la date.
En juin 1960, Gary Cooper visite le sud de la France. L’une de ses étapes est un séjour à Cannes, chez Pablo Picasso. Le peintre habite alors dans la villa La Californie, sur les hauteurs. Ce n’est pas son premier séjour chez son ami : les deux hommes se connaissent depuis plusieurs années, par l’intermédiaire d’Ernest Hemingway : Cooper avait tourné en 1943 dans l’adaptation au cinéma du roman d’Hemingway sur la Guerre d’Espagne Pour qui sonne le glas. Une complicité naquit entre Picasso et Cooper, qui se virent à plusieurs reprises durant les années 1950. C’est lors de ce premier séjour en France que Gary Cooper lui offrit ces deux cadeaux : un chapeau et un revolver rapportés par l’acteur, à Cannes. Une photographie anonyme immortalise ce moment et on connaît la photographie d’André Villers, qui date de 1958, où Picasso présente ces deux reliques. David Douglas Duncan avait également immortalisé le chapeau, dans une autre photographie où Pablo Picasso mime un duel de cow-boy avec son fils, Claude, prise en juillet 1957.
« On l’a dit, l’artiste faisait très attention à sa personne (…). Fumeur de Gauloises, il s’est mis très vite à boire de l’eau minérale quand ses amis autour de lui continuaient à picoler. Son régime était spartiate. Tout pour la peinture ! Mais il aimait aussi rire, en jouant les cow-boys avec l’acteur Gary Cooper ou de se déguiser en chef sioux avec le poète René Char. Rire oui, mais pas à ses dépens » (Laurent Greilsamer, Le Monde selon Picasso, 2021).
La coiffe indienne fut offerte dans un deuxième temps, en 1960 cette fois. Toujours à Cannes, dans la même villa (la Californie), où Picasso va encore résider un an. Il n’existe qu’une seule photographie de ce moment, prise par Eddy Novarro, célèbre aussi pour avoir montré Picasso arborant sa Rolex GMT Master. En 1961, la construction d’un nouvel immeuble lui cachant la vue sur mer le décide à rechercher un autre lieu. Il abandonne la villa cannoise – qui porte aujourd’hui le nom de Pavillon de Flore – et s’installe au Mas Notre-Dame-de-Vie, à Mougins, où il résidera jusqu’à sa mort, en 1973. C’est la dernière des cinq maisons que Pablo Picasso acheta dans l’arrière-pays de la Riviera française.
Il y recevra tous ses amis, au premier rang desquels ses amis artistes, écrivains et poètes. René Char, évidemment, y séjournera à de nombreuses reprises. Un séjour bien documenté se déroule en septembre 1965 : Char vient accompagné d’Yvonne Zervos, au moment où les deux hommes participent ensemble à la campagne menée contre l’implantation des fusées nucléaires sur le plateau d’Albion ; Picasso donnera un dessin illustrant La Provence point Oméga, pour une affiche appelant à un rassemblement à Fontaine-de-Vaucluse. L’ambiance est détendue entre Picasso, Char et Zervos, et Yvonne immortalise les deux hommes chahutant lorsque Picasso couronne René Char de la coiffe indienne, Picasso arborant sur la tête un casque de pompier. Quatre photographies furent prises ce jour-là – deux par Yvonne, et deux par Picasso : une première, avec l’appareil d’Yvonne Zervos, où elle pose avec René Char, et ce polaroïd, propriété de Picasso, qui immortalise René Char seul, avec la coiffe indienne.
Les tirages, uniques, furent développés sur place et Picasso les signera et datera, toutes de cette même journée, le 15 septembre 1965.
Il n’existe aucune autre épreuve – non signée – et toutes les reproductions de ces photo¬graphies sont faites d’après ces épreuves originales. Celle du polaroïd de Picasso est inédite : elle n’a jamais été reproduite auparavant.
« Jouant au reporter, passant par l’autoportrait inspiré ou le cliché ludique (…) Picasso a une relation complexe et forte avec la photographie et les photographes qu’il a laissés pénétrer dans son intimité créatrice » commente Violeta Andrés (Picasso, le regard du photographe, Barcelone, Musée Picasso, 2019).
Précisons également que David Douglas Duncan fera, à la fin des années 1960, une autre photographie de Picasso avec une coiffe indienne, avec laquelle Picasso pose de profil, jouant le chef indien, grave et tragique. Mais ce n’est pas celle offerte par Gary Cooper en 1960, prise sur la photographie de Mougins et portée par Char.
Restany (Pierre), Close-up, Eddy Novarro, 42 ;
29080