(suivies d’un) Essai sur le caractère des personnages.
Paris, Gallimard, (mai) 1955.
1 vol. (120 x 185 mm) de 152 p., [3] et 1 f. Demi-maroquin rouge à coins, dos à nerfs orné de caissons et filets dorés, titre doré, tête dorée, date en pied, couvertures et dos conservés (reliure signée de Semet et Plumelle).
Édition originale.
Un des 15 premiers exemplaires sur vélin de Hollande (n° 8).
Pour l’amateur de noirceur qu’est devenu Giono après la guerre, l’affaire Dominici arrive à point. Non seulement, le crime atroce et non élucidé des trois touristes anglais a eu lieu dans cette Haute-Provence qu’il connaît mieux que personne, mais encore le tribunal est pour l’écrivain un exceptionnel observatoire de personnalités. Aussi, lorsqu’André Parinaud, directeur de l’hebdomadaire Arts lui propose de couvrir le procès, il accepte ; et lorsque Gallimard souhaite en faire un livre, il enrichit ses notes d’un Essai sur le caractère des personnages. On est frappé par la profondeur de vue de Giono, qui dénonce une procédure fondée sur des aveux et non des preuves, insiste sur l’écart entre le lexique de la justice et l’extrême pauvreté du vocabulaire du patriarche, Gaston Dominici et, surtout, sait distinguer dans la tribu mise en accusation médiocres et grands caractères, que sa culture lui permet de définir : la vieille, « c’est Hécube » ; le vieux, « c’est un personnage de la Renaissance […] sorti nu et cru de l’Histoire universelle d’Agrippa d’Aubigné » ! La grandeur, la stature même, dans la duplicité et la monstruosité,ont grâce à ses yeux en tant que descendant de Carbonaro et de fils spirituel de Stendhal. Le grand André Siegfried qualifiera ces notes de « chef-d’œuvre de géographie psychologique » : c’est dire si elles dépassent la simple couverture d’un fait divers.
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