Paris, Gallimard, 1939.
1 vol. (175 x 230 mm) de 203 p. et [2] f. Buffle gris, dos lisse, titre doré, couverture, jaquette et dos conservés.

Première édition illustrée.
Illustrations de R. Parry.

Elle suit d’un an l’édition originale, publiée chez Gallimard l’année précédente.

Précieux et émouvant exemplaire réunissant Joseph Kessel, Jean Mermoz et Maurice Druon.

Envoi signé : « Dans cet Anthéor où Mermoz est venu et où, grâce à toi, mon chéri, je reprends force et goût pour une existence incertaine. Je t’embrasse de toute ma tendresse et tout mon coeur. Jef ».

« Sans nouvelles de Mermoz et de ses quatre compagnons. On espère que leur silence est uniquement dû à une panne de moteur », s’alarme Le Figaro en une de son édition du 8 décembre 1936. Depuis la veille, on est sans nouvelles de La Croix-du-Sud assurant la liaison Dakar-Natal, piloté par Jean Mermoz. 10 heures 43 : « Le moteur arrière droit doit être stoppé ». Voici le dernier message provenant de l’hydravion. Disparu au large des côtes de Dakar, La Croix-du-Sud (la collection de littérature sud-américaine chez Gallimard fondée par Roger Caillois tient son nom de cet avion) et son pilote eurent un destin unique : Jean Mermoz fut le plus prestigieux et le plus aimé des pilotes à l’époque où l’aviation comptait encore des aventures qui tenaient de l’épopée et inspiraient au monde entier une admiration sans borne.

Il avait rencontré Joseph Kessel quelques années plus tôt et l’écrivain, malgré la douleur, se sentira le devoir de raconter, quelques mois après le décès de son ami, ce que les journaux ne purent jamais toucher du doigt : une amitié profonde, intime, un pair dans l’aventure, les regrets, les peurs, les aventures et le caractère du grand pilote, un « archange glorieux, neurasthénique profond, mystique résigné, païen éblouissant, amoureux de la vie, incliné vers la mort, enfant et sage, tout cela était vrai chez Mermoz, mais tout cela était faux si l’on isolait chacun de ces éléments. Car ils étaient fondus dans une extraordinaire unité. »

Cet hommage profond et sincère, Kessel l’offre ici à celui dont il s’est rapproché depuis peu : son neveu Maurice Druon. C’est à Anthéor, évoqué dans l’envoi qu’il lui adresse, que les deux hommes vont s’unir comme jamais : « Les chemins communs de la guerre, l’admiration profonde de Maurice pour son aîné, l’extrême attention que celui-ci portait aux écrits du romancier débutant, le désir partagé de se retrouver durant quelques semaines éloigné d’attaches féminines, firent de ces vacances studieuses passées ‘entre hommes’ un délice de tous les instants » (Dictionnaire amoureux de Joseph Kessel). Kessel, dont les ouvrages figurent sur la liste Otto, est interdit de publication, et d’exercice de journalisme sous l’Occupation. « Une existence incertaine » l’accable, que la présence de son neveu rend supportable, et bien plus, tant l’aveu de la dédicace est forte.

Au lendemain du 4 juin 1940, lorsque les Allemands investissent Dunkerque, Kessel avait livré son dernier article à Paris-Soir. Il doit fuir. Il s’installe alors début novembre dans une maison à Anthéor, près d’Agay non loin de Fréjus : il est accueilli avec Germaine Sablon, qui l’accompagne, chez la mère de cette dernière, Jeanne. Ils seront rejoints quelques semaines plus tard par Maurice Druon. C’est là, à Anthéor que ce dernier va écrire Mégarée, sa première pièce, tandis que Kessel y termine le premier roman écrit à la gloire de la Résistance, Les Maudru. Les deux hommes ne se quitteront plus. “Durant l’été 1941, entre l’oncle et le neveu régnait désormais une grande complicité doublée d’une chaude tendresse. C’est sur les conseils de Jef qu’il entreprit son premier roman : La Dernière Brigade, inspiré par l’héroïque combat mené par les cadets de Saumur pour interdire aux allemands le passage de la Loire“. Douze mois plus tard, Druon, Kessel et Sablon quitteront ensemble la côté méditerranéenne pour rejoindre Londres, pour le destin que l’on sait : Le Chant des partisans et L’Armée des ombres.

Magnifique exemplaire d’excellente provenance.

De la bibliothèque de Maurice Druon (envoi signé).

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