Mémoires de guerre
Charles de Gaulle

Mémoires de guerre

Paris, Plon, 1954, 1956 et 1959.

3 vol. (145 x 230 mm) de 680, 712 et 653 p. + 1 carte. Brochés, sous jaquettes tricolores.

 

Édition originale.

Un des exemplaires numérotés sur Alfa Cellunaf, réservés « aux anciens de la France Libre et aux membres des associations combattantes et résistantes de la guerre 1939-1945 ».

Envoi signé : « à Maurice Genevoix, en témoignage de ma haute estime pour lui et pour son grand talent. Charles de Gaulle, 15 octobre 1954 ».

Précieux exemplaire offert à Maurice Genevoix, devenu académicien au moment où de Gaulle entame la rédaction de ses Mémoires, en avril 1946.

Juste avant la parution de troisième volume, Genevoix devient le secrétaire perpétuel de l’Académie, charge qu’il assumera pendant quinze ans, de 1958 à 1973. Charles de Gaulle, en 1959, viendra présider à Orléans les fêtes de Jeanne d’Arc, aux côtés de Genevoix : l’occasion pour ce dernier de le convaincre de la nécessité d’installer une université dans la ville, et de lancer une réflexion quant à la construction d’un Mémorial de la Grande Guerre, qu’il souhaite voir naître à Verdun.

Dans un éditorial de 1960 opportunément nommé, « En avant pour le Mémorial de la bataille de Verdun », Maurice Genevoix indique très bien la « mission » – y compris au sens religieux du terme – dont les « Anciens » se sont chargés à l’égard des disparus, la « lourde tâche – la dernière en faveur des copains morts – pour assurer la perpétuité de leurs communs souvenirs. C’est grâce à eux que, dans le ciel de Verdun, s’élèvera une solide bâtisse, sorte de forteresse de l’amitié, du recueillement et de la souffrance évoquée. Là les hommes viendront et apprendront ce que furent les Français de 1916 » (in Archives départementales de la Meuse, « Le Combattant de Verdun », n° 68, nov.-déc.1960).

À ce moment-là, de Gaulle est obsédé par la transmission d’une mémoire française qui rassemble. Maurice Genevoix, qui incarne pour lui une mémoire « pure » de 14-18 et débarrassée des discours politiques et voyant dans Ceux de 14 un chef-d’oeuvre de fidélité et d’humanité – répond à ses attentes ; de Gaulle favorisera dès lors son rôle majeur dans les commémorations nationales, l’accompagnant plusieurs fois pour les célébrations du 11 novembre, dans l’Aisne ou dans la Marne. Surtout, il permettra l’aboutissement du projet du Mémorial de Verdun dont la création est décidée le 23 octobre 1960, à l’issue de l’assemblée générale du Comité national du souvenir de Verdun. L’État décide, pour financer le projet, de lancer une grande souscription nationale.

Ce lieu de mémoire pour les anciens combattants de la Première Guerre mondiale sera inauguré à Fleury-sous-Douaumont, près de Verdun, le 17 septembre 1967. Sur les lieux mêmes ou, près de soixante ans plus tôt, le 2 mars 1916, le capitaine Charles de Gaulle, commandant de la 10e compagnie du 3e bataillon du 33e régi- ment d’infanterie, avait été fait prisonnier par les Allemands lors de la première prise du fort de Douaumont. Dans une lettre adressée à son supérieur le lieutenant colonel Boud’hors en décembre 1918, il avait raconté lui-même les circonstances de sa capture par les Allemands : « L’un d’eux m’envoya un coup de baïonnette qui traversa de part en part mon porte-cartes et me blessa à la cuisse. […] Je restai un moment sur le carreau. » Dans le commandement, on le croit mort. Une citation à l’ordre de l’armée et la légion d’honneur lui est même décernée à titre posthume, le 7 mars 1916 ! Elles seront l’une et l’autre confirmées en 1919, à titre honorifique cette fois-ci.

De Gaulle viendra inaugurer, l’année suivante, en 1968, le monument représentant « Ceux de 14 » à la butte de Chalmont, brique ultime d’un projet porté par Genevoix.

À travers cette dédicace, Charles de Gaulle rend ici hommage à l’un des écrivains les plus essentiels de la mémoire française. Blessé dans les tranchées en 1915, Maurice Genevoix est l’auteur de Ceux de 14, oeuvre monumentale dédiée à ses camarades tombés au front. De Gaulle, lui aussi ancien combattant de la Grande Guerre, y vit une parole rare : sobre, fraternelle, et fidèle.

Le lien entre les deux hommes est fait de respect, de mémoire partagée, et d’une vision commune du devoir de transmission. Dans ses Mémoires de guerre, de Gaulle trace l’histoire du salut national ; Genevoix, dans ses récits, élève les souffrances individuelles au rang d’histoire collective. Deux écritures se croisent : l’une depuis les sommets du commandement, l’autre depuis la boue des tranchées.

De Gaulle tenait Genevoix en haute estime, tant pour son oeuvre littéraire que pour sa qualité de témoin de la Grande Guerre. Il le considérait comme la voix la plus juste et la plus humaine de cette génération de soldats. Genevoix, blessé en 1915, a su écrire la guerre sans emphase ni propagande, ce qui impressionnait de Gaulle.

Ce rapprochement entre le général et l’écrivain, discret mais profond, est aujourd’hui encore plus lisible : en 2020, Maurice Genevoix est panthéonisé comme porte-voix des poilus, incarnant la France combattante de la Première Guerre mondiale que de Gaulle n’a cessé d’honorer : « Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France. Le sentiment me l’inspire aussi bien que la raison […]. Seules, de vastes entreprises sont susceptibles de compenser les ferments de dispersion que son peuple porte en lui-même ; que notre pays, tel qu’il est, parmi les autres, tels qu’ils sont, doit, sous peine de danger mortel, viser haut et se tenir droit. Bref, à mon sens, la France ne peut être la France sans la grandeur. »

Parmi les nombreux intérêts des Mémoires de guerre, le lecteur pourra estimer à quel point il fut difficile et héroïque pour le futur général de faire admettre au monde entier que la France officielle était à Londres. Hormis le strict aspect historique, le talent littéraire de de Gaulle est réel et le texte figure, depuis quelques années, au programme de la terminale L, pour la section « Littérature et débats d’idées ». Contrairement à tant d’hommes d’État, de Gaulle, fils d’un professeur de lettres, a rédigé lui-même tous ses discours et tous ses ouvrages. L’examen de ses manuscrits prouve son extraordinaire souci de la composition et du style. Dans une langue que n’aurait pas reniée Genevoix, adepte d’un style, d’une grammaire et d’un vocabulaire des plus riches.

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