Paris, Gallimard, coll. « Du monde entier », (23 avril) 1959.
1 vol. (140 x 205 mm) de 366 p. et [1] f. Veau naturel estampé d’un décor dans un camaïeu de vert rehaussé d’or blanc, titre à la chinoise et à l’or blanc au dos, contreplats bord à bord du même décor, tranches dorées sur témoins, gardes de chèvre velours mastic, couvertures et dos conservés, chemise et étui bordés (reliure signée de Louise Bescond – titr. Claude Ribal, 2024).
Édition originale de la traduction française, par E. H. Kahane.
Un des 86 premiers exemplaires sur vélin pur fil (n° 68).
Lolita… trois syllabes pour le titre d’un roman, qui faillit ne jamais paraître et firent frémir l’establishment littéraire : Nabokov, découragé de ne pouvoir mettre un point final à son manuscrit, en fit un autodafé. Sauvé des flammes par sa compagne, dont Lolita épouse des traits physiques et de caractère, le manuscrit, une fois achevé, est proposé à nombre d’éditeurs américains. Vaines tentatives se soldant par autant de refus, par crainte de poursuites pénales, une « insensée perversité » étant atteinte en chacune des pages de ce récit, tout à la fois scandaleux, sulfureux, incandescent et transgressif. C’est donc en France, et en 1955, que Lolita vit le jour, sur les presses de Maurice Girodias. Malgré tout, le livre est censuré, et Nabokov peu enclin à le défendre davantage : « Je répugne un peu à m’exposer en compagnie de The Olympia Press. Mais j’ai également du mal à avoir une vision globale de la chose. Je dois tenir compte du fait que l’université de Cornell a été très tolérante jusqu’à présent […]. D’autre part, je souhaite, bien sûr, apporter tout le soutien que je peux à Olympia, même si, personnellement, peu m’importe que l’interdiction soit levée ou non, puisque Gallimard va, de toute façon, publier la traduction française. »
Tel était bien en effet le paradoxe : le ministère interdisait le texte original écrit en anglais, alors qu’un nombre relativement restreint de Français était en mesure de le lire, mais n’envisageait pas de s’opposer à la parution de la traduction française. C’est Raymond Queneau, en train d’écrire Zazie dans le métro, qui encouragea les éditions Gallimard à publier le roman. La traduction fut confiée à… Erik Kahane, le frère de Maurice Girodias !
Très bel exemplaire, dans un décor au papillon, celui que Humbert Humbert voudrait ne jamais voir éclore, souhaitant priver la nymphette de sa qualité essentielle, qui est son pouvoir de métamorphose : empêcher Dolores Haze d’être autre chose que Lolita et Lolita d’évoluer en autre chose que ce rôle que son ravisseur lui a choisi : « le matin, elle était Lo, simplement Lo, avec son mètre quarante-six et son unique chaussette. Elle était Lola en pantalon. Elle était Dolly à l’école. Elle était Dolores sur les pointillés. Mais, dans mes bras, elle était toujours Lolita. »
Exemplaire de choix.
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