L’Œuvre au noir

Paris, Gallimard, (26 avril) 1968.
1 vol. (140 x 205 mm) de 340 p. et [2] f. et 1 f. Broché.

Édition originale.

Un des exemplaires poinçonnés du service de presse.

Envoi signé : « à Maurice Genevoix, hommage attentif. Marguerite Yourcenar ».

La couverture comporte sur le logo NRF des “rehauts” au bic rouge dont Maurice Genevoix était coutumier.

Prix Femina décerné à l’unanimité, l’ouvrage connaît un grand succès public dès l’année de sa parution. « La formule ‘L’OEuvre au noir’, donnée comme titre au présent livre, désigne dans les traités alchimiques la phase de séparation et de dissolution de la substance qui était, dit-on, la part la plus difficile du Grand OEuvre. On discute encore si cette expression s’appliquait à d’audacieuses expériences sur la matière elle-même ou s’entendait symboliquement des épreuves de l’esprit se libérant des routines et des préjugés. Sans doute a-t-elle signifié tour à tour ou à la fois l’un et l’autre ».

L’OEuvre au noir met en scène Zénon, médecin, philosophe, alchimiste et libre penseur dans la Flandre du XVIe siècle, figure à la fois prométhéenne et stoïcienne. En épousant son époque sans céder à l’anachronisme, Yourcenar compose une méditation historique et existentielle, nourrie de savoir encyclopédique et d’un style d’une grande pureté.

Maurice Genevoix (né en 1890) et Marguerite Yourcenar (née en 1903) partagent plusieurs traits essentiels : un humanisme lucide, une langue exigeante et un attachement profond à la transmission de la mémoire. À la parution du roman, Genevoix est le secrétaire perpétuel de l’Académie française depuis dix ans. Marguerite Yourcenar le rejoindra le 6 mars 1980, dans le fauteuil de Roger Caillois (n° 3), ce qui constitue un tournant historique : jamais encore une femme n’avait été reçue sous la Coupole. Elle avait auparavant obtenu, en 1976, le grand prix de littérature de l’Académie pour l’ensemble de son oeuvre. Trois ans plus tard, Jean d’Ormesson s’adresse officiellement à Yourcenar pour lui proposer de rejoindre les 40. Elle lui répond le 22 octobre 1979 : « […] du moment que je ne suis pas obligée de faire acte de candidature, ce à quoi je répugne instinctivement, et d’autant plus que ma qualité de femme rend en quelque sorte cette démarche plus voyante encore, et du moment que je ne suis pas non plus obligée à une résidence fixe à Paris même pour une partie de l’année, rien, certes ne me ferait refuser l’honneur que vous souhaitez si généreusement pour moi. Le faire me paraîtrait insulter à plus de trois siècles d’histoire littéraire française. »

Notons que Yourcenar fut élue d’abord à L’Académie royale de Langue et de Littérature françaises de Belgique, reçue le 27 mars 1971, devant une salle comble et en présence de la reine Fabiola. Maurice Genevoix y est présent : le secrétaire perpétuel de l’Académie française est venu rendre le prix Habif, Grand prix de littérature française hors de France, à la canadienne Anne Hebert.