L’Insoutenable légèreté de l’être
Milan Kundera

L’Insoutenable légèreté de l’être

Paris, Gallimard, (9 janvier) 1984.
1 vol. (150 x 220 mm) de 393 p. et [2] f. Maroquin blanc, décor passant sur le dos, composé de deux bandes rouge et bleu dont l’une porte le titre mosaïqué en relief, chemise et étui bordés (reliure signée D.-H. Mercher, 1999).

 

Édition originale.
Un des 23 premiers exemplaires sur vélin d’arches (n° 1).

Envoi signé : « À Colette et Claude, en signe de ma vieille et fidèle amitié. Milan. Paris, 1984 », enrichi d’une carte postale, envoyée de Capri : « cher Claude, imagine que je suis obligé de descendre et monter chaque jour le chemin que tu vois sur la carte… ».

Sans doute le plus précieux des exemplaires de ce titre – et le seul connu en grand papier et envoi.

Voici ce que disait, un brun lucide et visionnaire, Bertrand Poirot-Delpech à la parution du roman : « Tchèque de Paris depuis l’invasion russe de 1968, Milan Kundera est en train de devenir un des meilleurs exemples vivants de la fécondité du métissage en littérature. Son dernier roman porte à la perfection la synthèse, amorcée par La Plaisanterie, Risibles Amours et La Valse aux adieux, entre deux traditions européennes du conte philosophique : l’orientale, qui a conduit de Goethe à Kafka, Musil, Gombrowicz, et celle du dix-huitième siècle français, passablement perdue en chemin et que notre hôte ressuscite, riche de son exil forcé, puis choisi […] Dans la grande lessive que l’Europe de la fin du vingtième siècle fait subir à ses croyances en l’homme et en l’histoire, il faudra désormais compter avec le somptueux scepticisme de Kundera, qui n’exclut ni la gaieté ni la tendresse » (Le Monde, 27 janvier 1984).

Jusqu’ici, quatorze auteurs seulement ont pu voir et toucher en ce monde leurs œuvres imprimées sur papier bible dans la fameuse collection de la Pléiade, après qu’ils eurent fait antichambre dans les collections non moins célèbres au départ – mais de plus en plus encombrées aujourd’hui et de moins en moins sur beau papier –, « Collection blanche » pour les nationaux, « Du monde entier » pour les étrangers. Kundera eut droit aux deux collections, ainsi qu’à la prestigieuse troisième.

Précieuse provenance : Claude Gallimard avait rencontré Milan Kundera à Prague et avait ramené dans ses valises, clandestinement, le manuscrit de La vie est ailleurs. L’écrivain obtient pour ce roman le prix Médicis étranger en 1973. C’est le début d’une longue collaboration entre l’éditeur et l’auteur, qui se souvient : « en 1967, La Plaisanterie a été publié à Prague ; sans rien me dire, mon éditeur l’a passé à la maison Gallimard où, comme les règles l’exigent, on l’a donné à lire à une lectrice, une Tchèque vivant à Paris ; elle l’a trouvé nul. Ce qui commence mal va bien finir, dit le proverbe. Antonin Liehm, un brillant intellectuel praguois, apporte le livre à Louis Aragon qui, sans pouvoir le lire, le recommande à Claude Gallimard avec la promesse d’en écrire lui-même la préface. Et le complot des hasards continue : Aragon reçoit la traduction en août 1968, au moment où les chars russes envahissent la Tchécoslovaquie. Ah, les chars, quelle publicité ! Cela a tout déterminé. Sous l’occupation russe, de temps en temps, des écrivains étrangers rendaient visite à leurs collègues tchèques bien surveillés. Mais aucun grand éditeur. Seule exception : Claude Gallimard. Il y est venu plusieurs fois. Et je souligne : non pas comme un entrepreneur à la recherche d’un best-seller, mais comme une grande personnalité européenne qui essayait de soutenir une culture mise à mort. (Un détail éloquent : il habitait chaque fois chez Adolf Hoffmeister, peintre tchèque, surréaliste de la génération de Breton, auteur d’un inoubliable cycle de caricatures des grands artistes modernes…). Encouragé par Claude, j’ai achevé encore deux romans dont, l’un après l’autre, il a rapporté les manuscrits avec lui à Paris. Claude Gallimard l’a compris et, à sa façon, fine, presque timide, il nous a encouragés, ma femme et moi, à émigrer […]. » On connaît la suite.

Magnifique exemplaire.

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