Paris, Gallimard, (4 mars) 1957.
1 vol. (115 x 180 mm) de 231 p., [3] et 1 f. Maroquin noir, titre doré, provenance dorée en pied, contre plats et gardes de papier japon noir, tranches dorées sur témoins, couvertures et dos conservés, étui bordé (reliure signée de Clara Gevaert – [titr. Claude Ribal]).
Édition originale.
Un des exemplaires du service de presse.
Envoi signé : « à vous, mon cher René [Char], puisque sans vous point de [ROYAUME], avec toutes les pensées du cœur. Albert Camus ».
Les six nouvelles de L’Exil et le Royaume (« La femme adultère », « Le renégat », « Les muets », « L’hôte », « Jonas » et « La pierre qui pousse ») furent rédigées entre 1954 et 1955. La Chute, à l’origine, en était une septième, avant que Camus n’en fasse un roman entier. Un seul thème – celui de l’exil – y est traité de six façons différentes, depuis le monologue intérieur jusqu’au récit réaliste ; le recueil est dédié – c’est le seul – à sa femme, Francine, et présente « des hommes et des femmes [qui] sont en perpétuelle interrogation, pour ne pas dire introspection – c’est vrai partout, et peut-être plus encore prégnant encore chez Janine, ‘la femme adultère’, qui semble être exilée d’elle-même et pourtant actrice de son destin […]. ‘L’hôte’ est une nouvelle qui se termine avec cette phrase qui a valeur universelle, qui dit beaucoup de Camus lui-même : ‘Dans ce vaste pays qu’il avait tant aimé, il était seul’. Comme une confidence à son malheur. » (M. Aïssaoui, Dictionnaire amoureux d’Albert Camus, p. 164).
Précieux exemplaire de la dernière œuvre publiée de Camus avant son prix Nobel, qu’il obtiendra en octobre 1957 : il est offert à son ami, le poète René Char.
Albert Camus et René Char, c’est d’abord l’histoire d’une amitié rare, forte, exemplaire. Celle dont on rêve pour la vie. « ‘Il est des rencontres fertiles qui valent bien des aurores’, écrit le poète à l’écrivain en octobre 1947. ‘Ce que vous savez peut-être mal, c’est à quel point vous êtes un besoin pour ceux qui vous aiment et qui, sans vous, ne vaudraient pas grand-chose’, répond l’auteur du Mythe de Sisyphe » (Dictionnaire amoureux, p. 92). La première fois que Char entend le nom de Camus, il est dans le maquis de Céreste. Un ami lui donne alors L’Étranger, mais le rendez-vous est manqué, du fait des circonstances qui, comme l’écrit Char, l’empêchent d’accorder à ce livre d’un inconnu un champ suffisant de rêverie. La suite est connue, et l’amitié indéfectible, « de toujours à toujours » se poursuivra sans accrocs. « Leur correspondance est la plus belle ode à l’amitié […] Avec ces deux-là, il y a même quelque chose qui va au-delà de l’amitié, d’indéfinissable, d’indéfectible, quelque chose qui ressemble à de la noblesse de cœur. »
À l’annonce du Nobel, Char écrira à son ami, accompagnant sa lettre d’un objet qui lui donne toute sa valeur : « J’espère, je crois que l’on ne nous dit pas ce qui ne sera pas. Donc cette assurance dans la presse m’incite déjà sans réserve à me réjouir et à trouver ce jeudi 17 octobre 1957 le meilleur, le plus éclairé, oui le meilleur jour depuis longtemps pour moi entre tant de jours désespérants. Je vous prie d’accepter, en souvenir d’aujourd’hui, cette petite boîte qui me sauva la vie jadis dans le Maquis et que j’ai conservée comme une relique vraiment intime. Je vous presse la main fort, affectueusement, fraternellement » (17 octobre 1957, in Correspondance).
Précieux et rare exemplaire offert à son indéfectible ami et « frère de planète ».
Notons qu’Albert Camus offrira à son ami un second exemplaire en lendemain du Nobel, le 17 octobre 1957 : un exemplaire du tirage de la “collection soleil”,
” Pour lui dire ma fidélité et mon fraternel attachement“.
Parfaite reliure janséniste de Clara Gevaert.
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