“ce sujet, je continue à penser que l’esprit libertaire ne peut se permettre
la plus légère indulgence à l’égard de l’antisémitisme
sans se nier lui-même et commencer de s’avilir.
Ceci devant être dit, puisque je le pense”
Mâcon, 22 juillet [1952].
1 p. sur 1 f., in-12, à l’en-tête de la NRF + 1 brouillon dactylogr. avec corrections aut., au même, même date, 1 p. sur 1 f. L’ensemble est conservé dans une chemise en demi-basane noire à bandes, pièce de titre sur le plat.
Brouillon autographe d’une lettre envoyée le surlendemain [24 juillet 1952], à Paul Rassinier : « Paris, le 24 juillet 1952. Cher Monsieur, J’ai l’impression que vous n’avez pas reçu ma lettre aussi simplement que je vous l’aie envoyée. Je le regrette, car son intention était bonne. Une seule chose en tout cas, dans votre réponse me paraît surprenante : vous contestez que Paraz puisse être indulgent à l’antisémitisme. Moi, je supposais qu’il fallait l’être pour collaborer à une feuille comme Rivarol. Je transmets en tout cas votre proposition à Gallimard, sans grand espoir. Je souhaite que, malgré leurs habitudes, les éditions acceptent d’envisager favorablement votre offre, et je vous prie de me croire toujours bien sincèrement à vous, Albert Camus ».
Elle fait suite à une première lettre, du 18 juillet, dans laquelle Camus l’informe que son projet de texte soumis à Gallimard fut l’objet d’un refus poli : “Gaston Gallimard […] se refuse à publier des essais purement politiques dont il affirme qu’ils ne se vendent pas. Je le regrette, pour ma part”. Mais Camus va plus loin, et tance Rassinier sur le fond : “Je n’ai jamais rien eu contre vos ouvrages sur les camps de concentration. Ils représentent une contribution sérieuse, parmi d’autres, à l’étude de ce problème. J’estime simplement que la préface de Paraz suffisait à jeter la suspicion sur n’importe quelle entreprise. A ce sujet, je continue à penser que l’esprit libertaire ne peut se permettre la plus légère indulgence à l’égard de l’antisémitisme sans se nier lui-même et commencer de s’avilir. Ceci devant être dit, puisque je le pense […]“.
Le Discours de la dernière chance de Rassinier sera finalement édité par «La Voie de la Paix» en 1953.
Son auteur fut un militant politique de gauche, devenu après la Seconde Guerre mondiale une figure importante du négationnisme, évoqué comme source essentielle de Robert Faurisson. A partir de 1949, il publia des écrits qui témoignent de son glissement progressif vers l’extrême-droite et l’antisémitisme ; il collabora à la revue “Rivarol” dès sa fondation. C’est bien ce que lui reproche Camus, poliment mais fermement, dans sa lettre :
” vous contestez que Paraz puisse être indulgent à l’antisémitisme. Moi, je supposais qu’il fallait l’être pour collaborer à une feuille comme Rivarol.“
C’est ici la minute de cette lettre envoyée le [24 juillet 1952], à Paul Rassinier que nous proposons : « Paris, le 24 juillet 1952. Cher Monsieur, J’ai l’impression que vous n’avez pas reçu ma lettre aussi simplement que je vous l’aie envoyée. Je le regrette, car son intention était bonne. Une seule chose en tout cas, dans votre réponse me paraît surprenante : vous contestez que Paraz puisse être indulgent à l’antisémitisme. Moi, je supposais qu’il fallait l’être pour collaborer à une feuille comme Rivarol. Je transmets en tout cas votre proposition à Gallimard, sans grand espoir. Je souhaite que, malgré leurs habitudes, les éditions acceptent d’envisager favorablement votre offre, et je vous prie de me croire toujours bien sincèrement à vous, Albert Camus ».
Le refus est poli, mais ferme.
La dactylographie présente le même texte, remanié, avec quelques modifications autographes.
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