Lettre à « un Ministre »

Romain Gary

Lettre à « un Ministre »

S.l., 21 mars [1968].
2 pages en 1 f. (135 x 210 mm). Stylo bille bleu.

 

Belle et violente lettre de Romain Gary, au moment où il va publier Chien blanc.

« Monsieur le Ministre, Je crois que nous ne nous sommes pas compris. L’idée de vous ‘dédaigner’ comme purement ‘verbal’ est loin de mon esprit. Mais, étant très éloigné des sentiments chrétiens ou judaïques, dans ce domaine, je crois que le racisme doit être combattu par ses propres moyens, c’est à dire par l’extermination physique des germes et des porteurs dans la mesure, uniquement, ou ceux-ci sortent du suintement verbal pour devenir physiquement et structuralement dangereux. Vos méthodes ont toujours été civilisés. Vous êtes des gens trop honorables. Ayant physiquement exterminé, dans ma vie, un nombre très considérable de racistes, et étant prêt, avec des amis, à continuer, je ne vois dans votre façon de lutter qu’une façon beaucoup trop noble d’aborder le problème de la paranoïa humaine, et de ses manifestations cliniques. Loin de vouloir vous offenser, je voulais simplement vous éviter de vous compromettre avec nous, qui avons les mains sales et qui sommes prêts à aller encore plus loin… Je vous serais reconnaissant de conserver à cette lettre son caractère personnel. Bien respectueusement, Romain Gary. »

À Beverly Hills où il avait rejoint sa femme, Jean Seberg, Romain Gary avait rencontré un chien-loup dressé contre les Noirs. Nous sommes en 1968, l’Amérique vit les heures sombres de la ségrégation, et Gary écrit un chef-d’œuvre. « Je suis en train de me dire que le problème noir aux Etats-Unis pose une question qui le rend pratiquement insoluble : celui de la Bêtise. Il a ses racines dans les profondeurs de la plus grande puissance spirituelle de tous les temps, qui est la Connerie. » Chien blanc donne de multiples illustrations de cette « c. », vécue et parfois inversée puisque, dans la trame centrale du texte, Keys, le dresseur noir, fait tout son possible pour que « Chien Blanc devienne Chien Noir », dans une froide vengeance qui lui fait utiliser les mêmes méthodes pour opprimer à son tour les blancs. Par-delà la fable, c’est de l’Amérique en proie aux démons du racisme endémique, et du problème des minorités dont Gary veut parler, à une époque où l’engagement de Jean Seberg donne l’occasion à Gary de fréquenter intensément les milieux radicaux de Hollywood qui se mobilisaient en faveur des noirs, se montrant très ironique à leur égard.

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