Paris, Académie des bibliophiles, 1870.
1 vol. (120 x 175 mm) de XXXI-188 et 4 p. (Académie des bibliophiles). Demi-maroquin marron à coins, dos à nerfs, titre doré, date en pied, filets dorés sur les plats, non rogné, couvertures et dos conservés (reliure début XXe siècle).
Un des 2 premiers exemplaires sur chamois (n° 1).
Précieux exemplaire qui contient l’épreuve originale de l’ex-libris de Victor Hugo, offert par son créateur au poète.
Elle est montée en tête, avec cet envoi signé dans la marge supérieure : « à monsieur Victor Hugo hommage et souvenir de son admirateur sincère Aglaüs Bouvenne ».
Avec cet exemplaire, Bouvenne offre en effet à Victor Hugo son futur ex-libris : les tours de Notre-Dame dans la nuit, avec un entrelac de ses initiales, V. et H., avec, dans un éclair, l’inscription « Ex-libris Victor Hugo ». Ce dessin inspira à Auguste Vacquerie (1819-1895), dont le frère Charles épousa la fille du poète, Léopoldine, le vers fameux « Les tours de Notre-Dame étaient l’H de son nom » (Mes premières années de Paris. Paris, Michel Lévy frères, 1872, livre I, III, « À Paul M. », p. 12).
Hugo, touché, lui répondra aussitôt en ces termes : « Hauteville-House, 10 juillet [1870]. Monsieur, j’ai reçu avec un vif intérêt votre excellent et curieux travail. Votre ex-libris fait par vous pour moi me charme. J’accepte avec reconnaissance cette jolie petite planche. Comment vous en remercier ? S’il est un livre de moi que vous désiriez tenir de ma main, veuillez me le dire, et j’aurai l’honneur de vous l’offrir. Votre ex-libris marquera tous les livres de la bibliothèque de Hauteville-House. Je vous serre la main avec une vive cordialité. Victor Hugo » (Correspondance, éd. 1898, tome III).
Mais l’ex-libris en tant que tel ne semble n’avoir jamais été utilisé par le poète : aucun des livres de Hauteville-House, contrairement au vœu de Victor Hugo, ne le possède. La faute, sûrement, à « la grande guerre qui arrive : la chute de l’Empire, le retour de Victor Hugo à Paris et, au milieu de tant de changements et d’excitation, le pauvre ex-libris semble avoir été négligé. Après la mort du poète, les contrefaçons ont inondé le marché, et de nombreux collectionneurs imprudents se sont retrouvés à la recherche d’un exemplaire d’un ouvrage comportant cet ex-libris […]. Bouvenne, qui possédait le cuivre original, a néanmoins permis d’en faire des tirages » (Walter Hamilton, A Handbook for Ex-libris Collectors, 1892), lesquels ont été publiés dans deux volumes : « Les ex-libris français depuis leur origine jusqu’à nos jours » d’Auguste Poulet-Malassis (1875), puis dans les « Archives de la Société Française des Collectionneurs d’Ex-Libris » (livraison de juin 1895), avec un fac-similé de la lettre de remerciement de Victor Hugo citée plus haut.
Ce sont les gravures extraites de ces ouvrages que l’on peut trouver à la Maison de Victor Hugo – Hauteville House : elle se reconnaissent aisément car elles portent la pagination de l’ouvrage au coin supérieur droit (« p. 38 »). Bien souvent, les épreuves ont été massicotées pour ôter cette mention et pouvoir apposer l’ex-libris sur un exemplaire quelconque et le faire passer pour un exemplaire ayant appartenu à Hugo.
Aglaüs Bouvenne dessina également l’ex-libris de Théophile Gautier ; Bracquemond se chargea du sien. Il rédigera quelques années plus tard une étonnante et passionnante étude sur Hugo, Victor Hugo : ses portraits et ses charges (Paris, Baur, 1879).
Notre exemplaire figure dans les deux inventaires dressés par Julie Chenay, en 1870 puis en 1979. Dans le dernier recensement, réalisé plus d’un siècle après (par le Groupe d’étude Jussieu-Paris VII), il figure avec la mention [disparu]. Depuis quand ? Nul ne le sait. Sans doute depuis l’époque où il a ensuite été relié, au tout début du siècle dernier, l’exemplaire figurant broché dans les inventaires Chenay. « Quelques collectionneurs privés possèdent des ouvrages qui figurèrent sur l’un ou l’autre des inventaires Chenay […], voire pour les plus chanceux une dédicace adressée à l’écrivain. Pour l’heure, la récolte est maigre (seulement 4 volumes, hors vente des livres de Georges Hugo), mais je ne doute pas qu’en fouillant plus avant les catalogues de ventes de nouvelles découvertes soient possibles ». (M. J. Chassier, Composition de la bibliothèque de Hugo à Hauteville-House).
En voilà donc une, et peut-être la seule à conjuguer envoi, présence de l’ex-libris – ici fondateur – et présence dans les inventaires Chenay, certifiant par là même, s’il en était besoin, la provenance.
Chenay, inventaire des livres de Victor Hugo à Hauteville House, 1870 et 1879, n° M 05 et L 0 ; Journet, B024.
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