[1935].
3 p. en 3 f. (135 x 210 mm), encre bleue sur papier.
Manuscrit autographe signé.
Ce texte, qui semble inédit en volume et resté inaperçu, a été publié en 1935, dans la revue Art et Médecine (n° 8, oct. 1935). Le manuscrit comporte une cinquantaine de corrections autographes et laisse apparaître d’importantes variantes au texte, inédites.
Le premier contact de Joseph Kessel avec l’aviation s’étend sur dix-huit mois, entre le milieu de l’année 1917 et la fin de l’année 1918 : entré à l’école d’artillerie de Fontainebleau en avril 1917, Kessel se porte volontaire pour l’observation d’artillerie dans l’aviation. Incorporé fin juin dans le centre d’entraînement de Plessis-Belleville, il en sort aspirant breveté et est intégré fin 1917 dans l’escadrille S.39 établie à Jonchery, à l’ouest de Reims. Jugé « observateur courageux et tenace » dans une citation à l’ordre de l’armée, il parvient à mettre en fuite à plusieurs reprises des avions allemands en juillet 1918, ce qui lui vaut la croix de guerre avec palme. Les souvenirs de cette vie militaire et de ces combats ont nourri l’intrigue de L’Équipage, son roman publié en 1923.
Dix ans plus tard, c’est en qualité de journaliste que Kessel se penche à nouveau sur le travail et la vie des aviateurs, avec un reportage de trois semaines sur les pionniers de l’Aéropostale : il est en effet le premier passager du Latécoère 26 piloté par Émile Lécrivain sur la ligne Casablanca-Dakar. Un souvenir marquant pour Kessel, rendu possible grâce à la rencontre, en décembre 1928, avec Antoine de Saint-Exupéry, puis avec l’équipe de Didier Daurat, chef de l’exploitation Latécoère à Toulouse : le pilote Marcel Reine et son ingénieur chargé de la T.S.F, Edouard Serre, « précis comme un théorème, doux comme une femme, poli jusqu’au raffinement » lui proposent de l’embarquer vers la côte ouest de l’Afrique. « À peine une semaine après, en janvier 1929, Kessel est déjà dans les airs, embarqué par ses nouveaux amis sur l’une des lignes de l’Aéropostale. De Toulouse à Saint-Louis du Sénégal, c’est un voyage de folie, l’un des plus beaux qu’ait connus Jef, à bord de l’orgueil de l’Aéropostale, le Latécoère 26 avec son poste de pilotage ouvert ! ‘Bien profilé, puissant, fin, le monoplan donnait confiance’, écrira Kessel, assis à l’arrière, dans un fauteuil en osier. Trois semaines de passion et de vent sablonneux, avec des escales insensées, des bouts de pistes perdues dans le désert, les forts blanchis à la chaux qui servent de cantonnement, les longues soirées avec les mécaniciens à parler d’explorations aériennes et d’aventure tout court… »
Kessel reviendra également plus tard, dans le formidable volume de souvenirs et de portraits intitulé Des Hommes et publié en 1972, sur ces aviateurs, qualifiés de « centaures du métal, anges casqués de cuir, familiers des astres et des nuages » ; un émouvant chapitre les élèvera au rang des héros de la mythologie.
À Montaudran, sur l’ancien site même de la société Latécoère, se trouve aujourd’hui un musée qui porte l’appellation de « L’envol des pionniers » : Kessel y est mentionné dans l’exposition permanente, et un panneau reproduit une évocation d’une escale de Kessel sur le terrain de Mendoza, en Argentine : « Rien ne vaut pour moi en intensité, en profondeur, en pureté, le plaisir de ces haltes brèves, de ces rencontres imprévues, sur de vastes champs où tournent les moteurs et où se repose pour quelques instants, avant que de reprendre son voyage, la race des hommes de l’air ».
Des lignes extraites de Vent de sable, mais dont on trouve plusieurs échos dans ces Hommes de l’air, « pilotes, navigateurs et radios (…), équipages de la paix qui ont remplacé ceux de la guerre (…). S’il est un vaste peuple qui ne connaît pas de frontières, que les différences de langue et de mesure ne séparent point, dont les membres ont les uns pour les autres une estime loyale et virile, qui sont prêts à se secourir mutuellement au péril de leurs jours, c’est bien ce jeune magnifique et sans cesse mobile peuple de l’air (…). Sur le trajet Casablanca-Dakar, j’ai passé deux semaines parmi des garçons pour lesquels la plus grande partie de leur temps s’écoulait au-dessus d’espaces immenses et désolés, dans le cheminement aérien qui les portait d’un poste du désert au poste suivant, dans la lutte contre les souffles de l’Atlantique, Les Maures impitoyables, le vent de sable, la brume nocturne. Aujourd’hui l’Océan lui-même n’est plus un obstacle pour ces audacieux ».
Très beau manuscrit.
On joint le numéro 8 de la revue Art et Médecine, dans laquelle le texte occupe les pages 20 à 31, illustré de belles photographies de ces hommes – et femmes – de l’air.
Alain Tassel, « Le ‘centaure du métal’ ou la figure de l’aviateur dans l’œuvre de Joseph Kessel », Studi Francesi, 164, 2011 ; Laurence Ignazi, Le regard de Joseph Kessel sur les pionniers de l’aviation militaire et civile, Paris, Sciences de l’Homme et Société, 2024.
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