Paris, Poulet-Malassis & de Broise, 1857
1 vol. (193 x 123) de 2 ff., [232] pp. et 2 ff. de table. Reliure janséniste de maroquin noir avec contreplats de maroquin rouge ornés d’un filet d’encadrement doré, gardes de moire noire, dos à nerfs, filet doré sur les coupes et coiffes guillochées, tranches dorées sur témoins, titre doré, date en pied, couvertures et dos conservés (Reliure signée de G. Mercier Sr de son père – 1938), exécutée pour le collectionneur José Peraya avec son ex-libris doré frappé au contreplat.
Édition originale.
Exemplaire sur papier vélin d’Angoulême collé, papier du tirage courant, bien complet des pièces condamnées ; il est préservé avec le rare 3e état de la couverture.
L’on sait le soin maniaque, par la correspondance qu’il entretint avec Poulet-Malassis et par le jeu d’épreuves corrigées conservées à la BnF, mis par le poète à corriger les épreuves des Fleurs du Mal.
Les fautes typographiques et orthographiques ne furent rien peut-être à côté de son oeil implacable quant à la composition d’une page – celle de la dédicace en particulier – dont il chercha jusqu’au bout l’élégance et la justesse pour que la forme serve complètement le fond. Poulet-Malassis, souvent exaspéré, déconcerté, lui écrivait au milieu des ces quatre mois qui lui semblèrent un siècle : « Mon cher Baudelaire je commence à croire que vous vous f… de moi, ce que je n’ai nullement mérité » ! Le soin particulier de Baudelaire n’empêcha pas les coquilles, qui subsistèrent après la publication. On connaît celles à propos des erreurs typographiques, au titre courant des pages 31 et 108 (‘Feurs du Mal’ au lieu de ‘Fleurs du Mal’) ainsi que la pagination erronée de la page 44 (numérotée 45), plus celles des pages 29, 43, 110 et 217, sur lesquelles nous ne reviendrons pas, tout simplement parce qu’il n’y a pas lieu d’y revenir : toutes ces coquilles se retrouvent sur l’ensemble du tirage original des Fleurs du Mal et ne sauraient, pour aucun exemplaire, constituer un élément pour une chronologie quelconque des tirages – comme il est malheureusement souvent avancé.
Une seule a été repérée en tout début de tirage, dans le poème Bénédiction, à la page 12 : ‘s’enhardissent‘ pour ‘s’enhardissant‘, qui sera corrigé et un nombre infime d’exemplaire contient ce premier état. Lui seul peut-être qualifié de premier tirage. Baudelaire, en revanche, n’aura pas laissé passé plus longtemps les autres fautes : au fur et à mesure que les exemplaires lui arrivèrent, pour ceux qu’il destinait à des amis ou à des proches, il décida de porter lui-même les corrections sur les maudites erreurs qu’il avait traquées.
Baudelaire aimait que les exemplaires qu’il offrait soient corrigés de toutes les petites fautes d’orthographe ou typographiques. Il corrigeait ordinairement lui-même les exemplaires, comme ici, et plusieurs exemplaires portent ainsi trace de ces corrections, qui ne seront corrigées que pour l’édition de 1861 : jusqu’à sept, depuis la page de dédicace, jusqu’aux fameuses fautes des pages 29, 43, 110 et 217.
Notre exemplaire comporte cinq de ces corrections, portées à l’encre, décrites ci-dessous.
Les pp. 29 et 217 ne sont pas encore corrigées, ce qui tend à prouver que les découvertes furent probablement progressives. C’est par ailleurs confirmé par le fait que les exemplaires Watteville et Chaix d’Est Ange, offerts après la saisie et le procès, les deux seuls à contenir les 7 corrections.
Ces exemplaires avec corrections autographes sont rares et un rencensement sérieux, sans vouloir être exhaustif, donnerait aujourd’hui cette liste :
Exemplaires sans dédicace sur papier d’édition
Ex. Aupick-Baudelaire, 2 corrections, à l’encre : celle de la dédicace. Bibliothèque Mazarine sous la cote 8° 36230 [Res].
Ex. Peraya-Albert Kies – notre exemplaire, 5 corrections.
Exemplaires dédicacés sur hollande
Ex. Dumas, 3 corrections au crayon. Vente Sicklès 1, 1990 n°21
Ex. Paul de Saint-Victor, 3 corrections, à l’encre. Bibliothèque Doucet, C-VI-13 ;
Ex. Delacroix, 3 corrections au crayon. Vente Leroy, 2007, n°14
Ex. Banville, 5 corrections au crayon. Vente Sicklès 2, 1990 n°276
Ex. Asselineau, 5 corrections à l’encre (coll. privée).
Ex. Fould, 5 corrections, à l’encre. Vente Schuck, 1931, pp. 38-40.
Ex. Pincebourde, 5 corrections, à l’encre, au crayon. Bnf, Réserve 7443.
Ex. Fould-Baudelaire mère, 5 corrections, à l’encre. Vente Schuck, 1931, pp. 38-40.
Ex. Chaix d’Est Ange, « quelques corrections [7] au crayon ». Vente Ch. d’Est Ange, n° 154.
Exemplaires dédicacés sur papier d’édition
Ex. Jules de St Félix, 3 corrections. Vente Sicklès 7, 1990 n° 2695
Ex. Adolphe Gaiffe, 3 corrections. Vente RBL, VII, n° 27.
Ex. Piétri, 6 corrections à l’encre. Vente Gros & Delettrez, 2009, n° 29
Ex. Watteville, 7 corrections à l’encre. Cat. Bérès, Litt. française, 1965, n° 60
Notre exemplaire est dans le rare 3e état de la première couverture imprimée : la mention de l’éditeur sur le second plat est bien « En vente à Paris, à la librairie de Poulet-Malassis et de Broise …), le dos porte le prix de 3 fr., la faute aux dates de Jean de Schelandre est corrigée (‘1585′ au lieu de ‘1385′) et les Fleurs du Mal ne figurent pas encore dans les annonces à paraître (Launay, Catalogue de l’exposition Poulet Malassis, 1957, n°56 et Bulletin du bibliophile, 1979, IV, p.524-525 ; Clouzot, 43).
Le premier tirage, imprimé au mois de juin 1857 à Alençon, est effectué à 1 300 exemplaires et mis en vente le 25 juin.
Le collationnement des Fleurs du Mal est le suivant (Chalvet, 1975): “couverture jaune clair imprimée, faux-titre, titre rouge et noir, 248 pages y compris le feuillet de dédicace à Théophile Gautier, et deux feuillets non chiffrés pour la table des matières. Aucun feuillet blanc, ni en tête, ni à la fin du volume (…). Les exemplaires sur hollande possèdent une couverture identique à celle des papiers ordinaires, sauf pour le prix, qui est de 6 francs, indiqué au dos”. Il est à noter que certains exemplaires sur papier ordinaire ont été brochés avec la couverture des hollande, et portent donc un prix de 6 francs au dos). Cette distinction a induit Vanderem en erreur, en lui faisant penser que certains exemplaires sur papier ordinaire étaient sur hollande (ainsi les exemplaires Champfleury et Walewski – Watteville).
Provenance :
Librairie Coulet & Faure (sept. 1964, n° 23 et Beaux livres, 1965, n° 91) ; José Peraya ; Albert Kies.
L’ex libris de José Peraya est frappé or au bas du premier contreplat : il fut sans doute porté après l’acquisition de l’exemplaire chez Coulet et Faure, lequel l’avait catalogué au moins deux fois (en sept. 1964, cat. 23, n° 39 ; en 1965, ” Beaux livres”, n° 91 : « Magnifique exemplaire » ; les corrections n’y sont pas mentionnées.
R. Desprechins, “Récapitulation de mes commentaires sur l’édition originale des Fleurs du Mal” in Le Livre et l’Estampe, 1967, n. 51/52, p. 204 sq ; (R. Desprechins, Le Livre et l’Estampe, 1967, n° 51-52, version revue de celle de 1966 qu’utilisa la réédition Carteret du Véxin français en 1976) ; L. Carteret, Les Trésor du bibliophile, I, p. 118 – M. Clouzot, Guide du bibliophile français, p. 43 – André Guyaux, Baudelaire. Un demi-siècle de lectures des Fleurs du mal (1855-1905), Paris, PUPS, 2007.
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