Paris, chez Augustin Courbé, 1652.
1 vol. (215 x 340 mm) in-folio de [16] f. (titre, titre gravé, avis de l’imprimeur au lecteur, avertissement de l’auteur, epistre, préface, vie de l’auteur, table), 834 p. et (21) f., + un frontispice gravé une tête du portrait de l’auteur.
Dernière édition in-folio des Essais. Les traductions y sont placées pour la première fois en regard du texte.
L’édition fut partagée entre plusieurs libraires : Augustin Courbé au premier chef, suivi par Pierre Ricolet, Edme Courtot, Pierre Le Petit et Sébastien Huré, sans aucune variante entre les volumes. Seule l’adresse à la page de titre les distingue. Exemplaire du premier tirage chez Augustin Courbé.
Ex-libris manuscrit à la page de titre de [François] Arthault, lieutenant civil et criminel – le plus haut poste de magistrat sous l’ancien Régime – au bailliage d’Avallon, en Bourgogne. Si il donne lieu à deux charges séparées pour Paris, le poste est communément conjoint dans les villes de province. Ce magistrat, établi par le pouvoir royal, diligente alors toutes les affaires civiles et criminelles de son baillage – l’équivalent de nos circonscriptions actuelles.
Piquante provenance d’un haut magistrat quand on connaît sa provenance moderne : celle de Georges Simenon.
« On sera peut-être étonné d’apprendre que, dès l’âge de seize ans, mon livre de chevet a été Montaigne, dont je lisais quelques pages avant de m’endormir. […] Ensuite j’ai eu deux livres de chevets : d’une part la Bible, ensuite les Évangiles, alors que j’étais et je suis encore ce qu’on appelle un incroyant […] » (in Dictées, Un banc au soleil). Suivront ensuite deux autres lectures souveraines : le Journal de Gide et Stendhal ; il confirmera ces quatre lectures « fondatrices » dans une longue interview donnée en 1967 à Michel Polac (ORFT, archives INA).
Une référence qu’il confirmera dans un entretien avec Raphaëlle Sorin, en novembre 1981 : « J’ai commencé ces Mémoires le 16 février 1980, pour ma fille. J’écrivais huit heures par jour, assis au petit bureau là-bas. Enfermé dans mes souvenirs, sans notes. Le soir, à force d’avoir les jambes pliées, je pouvais à peine marcher […]. J’ai toujours admiré Montaigne qui, pendant le siège de sa ville, Bordeaux, ne s’intéresse qu’à sa maladie de la pierre. Il en souffre et il le dit. J’avais écrit Pedigree, en 1941, parce qu’un médecin me donnait seulement deux ans à vivre. Ces Mémoires intimes sont le “Pedigree” de ma fille, de sa mère et de ses trois frères. » À Montaigne, Simenon empruntera sa formule de peindre « l’homme nu », tel qu’il est, d’où la maxime de son commissaire qui en résume la méthode de travail : « comprendre et ne pas juger ». Et Pierre Assouline de rappeler cette anecdote : « Tu vois cette serveuse en train de s’occuper des clients du restaurant où nous sommes ? C’est apparemment la fille du patron, ou peut-être pas ! Et là commence le roman simenonien : par le doute ! ». « Mais s’il interroge les êtres et leur réalité, tente de les comprendre, jamais il ne s’autorise à porter de jugement. Il a d’ailleurs fait de sa devise, “Comprendre et ne pas juger”, l’ex-libris de tous ses livres. » (in Le Monde, 21 août 2024).
Sur ce point, Pierre Assouline va vite en besogne : si cette formule ornera en effet un ex-libris composé dans les années 60 par le graveur russe Victor Chapil (dont le bois original est conservé au Fonds Simenon de Liège, Belgique), reproduit pour la première fois dans l’ouvrage de Mathieu Rutten, Simenon (1986), Georges Simenon ne l’a jamais réellement fait sien. Il orne parfois quelques exemplaires, sans que l’on sache vraiment si c’est de sa propre initiative, ou celle d’une main postérieure.
Pour autant, nous joignons l’ex-libris en question, contrecollé en garde, ainsi qu’une attestation autographe bien plus pertinente : « je certifie que cet exemplaire des Essais de Montaigne (Paris, 1652) est celui que mon père, Georges Simenon, possédait. Pierre Simenon », sur carte de visite à en-tête de ce dernier.