S.l. [Le Cannet], 19 janvier 1937
Le Cannet, 29 mars 1937 [pour la lettre de René Char].
2 p. en 2f., à l’encre.
Poème autographe signé.
Éluard a inscrit cette note datée sous sa signature : « chez René Char le 19-1-37 ».
« Entre la porte et le sommeil de ceux qui, tout à l’heure, ne voulaient pas dormir – remâchaient un murmure plein de petits os, autant de mots de passe dans une veille fluide – un peuple dénaturé perpétue la présence humaine. Voici le liseron, la capucine, le volubilis, frais échappés d’un déjeuner de soleil, de beaux cuirs usés, des fourrures animées, des étoffes à reflet, des chaises, des outils actifs, justifiés, l’aspirine et le fer à friser, le miroir et le paysage en forme de carte à jouer… »
Ce poème sera intégré par Paul Éluard dans le recueil intitulé Les Mains libres, qui a pour origine la forte amitié entre Paul Éluard et Man Ray. L’œuvre est construite en deux parties inégales, précédées par un frontispice (dessin d’introduction) et d’une préface du poète. La première partie comporte trente dessins et poèmes, la seconde en compte vingt-quatre ; chacune des parties se clôt par un dessin poème : « La liberté » et « Les amis ».
Le poème » Les Amis » est donc d’une importance essentielle, illustrant une valeur cardinale pour Man Ray comme pour Paul Éluard. Et son placement n’est pas anodin : c’est le dernier poème du recueil et le seul qui soit en prose, narratif, formé de deux strophes.
Ce manuscrit nous apprend qu’il fut composé chez René Char, lorsque Paul Éluard et Nusch lui rendirent visite, au début de l’année 1937
René Char est alors en convalescence, avec Georgette, à la villa Eden Park, au Cannet, quelques mois après une grave septicémie où Char manque de mourir. Il signera peu après les pensées fulgurantes de Moulin premier, publiées en décembre 1936, avant de rejoindre la région cannoise où le couple Nusch et Paul les rejoignent : « nous vécûmes ensemble dans l’improvisation et l’aisance de l’amitié une quinzaine de jours », raconte Éluard. C’est lors de ce séjour que seront aussi composés les deux poèmes qui formeront l’édition posthume du recueil éponyme publié en 1960 chez Jean Hugues.
Il est joint une lettre de René Char, à qui Éluard avait offert ce manuscrit :
Char envoie « Les Amis » deux mois plus tard, en mars, à ses amis belges, le couple Irène Hamoir et Jean Scutenaire : «Toujours à deux pas de la mer, mais le printemps a tendance à lever de multiples hypothèques. J’espère qu’on se verra bientôt. Et voici pour prétexter le sommeil un petit poème, chère Irène Hamoir, cher Jean Scutenaire, que je vous envoie avec toute mon amitié – elle est plus grande et meilleure que lui ».
Le poème sera publié en 1947 dans la version Gallimard du Livre ouvert.
29423
3 000,00 €
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