Paris, H. Matarasso, (14 avril) 1949.
1 vol. (283 x 225 mm) de 146 p. En feuilles, sous chemise et étui éditeur.
Édition originale illustrée de 4 eaux-fortes, dont une en couleur pour la couverture, par Georges Braque.
Tirage unique à 200 exemplaires, celui-ci un des 170 sur vélin pur fil du Marais (n° 137), signé par l’artiste et l’auteur.
Envoi signé : « À José Corti. Ces eaux qui lui sont familières. Bien amicalement. R. Char ».
C’est avec Le Soleil des eaux que s’inaugure la particulièrement importante collaboration de René Char et Georges Braque. Il a été publié peu de temps après leur rencontre lors d’une exposition de peintures et de sculptures contemporaines organisée par Christian et Yvonne Zervos au Palais des Papes en Avignon. L’un des rares textes de ce dernier où il se prête à une mise en scène, plus cinématographique que théâtrale cependant, puisque la plupart des situations se déroulent dans des cadres naturels : et pour cause, le projet fut d’abord bel et bien cinématographique.
René Char rédigea le scénario d’août à octobre 1946 : il raconte l’histoire d’une communauté de pêcheurs au début du siècle, en Provence, dans le Comtat Venaissin. L’implantation d’une papeterie au bord de la rivière Crillone qui baigne le petit village de Saint-Laurent déclenche une révolte parmi les pêcheurs de truites et d’anguilles, confrontés à la pollution de leur rivière par les rejets de chlore de cette usine. Comment concilier le bonheur agreste et la technique dévastatrice ? Le lieu prévu du tournage était L’Isle-sur-la-Sorgue, où devaient être recrutés bon nombre de figurants. Ce serait, dit-il « un film dont l’ambition est de faire oublier qu’il est un film, c’est-à-dire un peu plus qu’une nourriture pour les yeux : une preuve pour le coeur », qu’il souhaite partager avec Jean Vilar, à qui il avait pensé pour tenir un des rôles. Sans expérience de la réalisation, Char fit appel à quatre metteurs en scène successifs mais, face aux conditions difficiles (dont la grande grève de 1947), les financiers se retirèrent et seuls quelques plans furent tournés. Char se tourne alors vers la scène : le spectacle sera créé en 1948 par la Radiodiffusion française sur une musique de Pierre Boulez et dans une réalisation d’Alain Trutat.
La rencontre avec Braque, l’année suivante, donne corps au projet d’une édition illustrée. C’est pour ce livre que le peintre inaugure le célèbre motif de l’oiseau ouvert, qu’il a exécuté sur trois planches en noir et la planche frontispice en couleurs.
Les quelques textes de René Char destinés à la scène seront réunis plus tard sous le titre : Trois coups sous les arbres.
Bel exemplaire, auquel il est joint le bulletin de souscription.
P. A. Benoit, Bibliographie des oeuvres de René Char, 33.