Paris, Gallimard, (26 août) 1970.
1 vol. (140 x 205 mm) de 395 p. et [2] f. Broché.
Édition originale dont il n’a pas été tiré de grands papiers.
Exemplaire poinçonné du service de presse.
Envoi signé : « À Maurice Genevoix auquel les pages forestières et animalières de ce livre doivent tant, Michel Tournier ».
Après le succès de Vendredi ou les limbes du Pacifique, Grand Prix de l’Académie française 1967, Michel Tournier remet le manuscrit du Roi des Aulnes, son deuxième roman, à Dominique Aury. La lectrice du comité de lecture des Éditions Gallimard, discrète auteur d’Histoire d’O, fait part de son avis à la séance du 6 janvier 1970 : « C’est un livre très extraordinaire », « le portrait d’un être obsédé, passionné, ravagé et triomphant dans son désastre même ». Elle recommande toutefois à l’écrivain d’en alléger et resserrer la première partie.
Le 3 mars 1970, Michel Tournier remet un nouveau manuscrit « provisoirement définitif » à Claude Gallimard, pour lecture. Dominique Aury suggère à nouveau de procéder à quelques modifications et prépare à cette fin un argumentaire pour convaincre l’auteur, transmis au romancier le 20 avril 1970 par Claude Gallimard. Voici la réponse très précise qu’apporte Michel Tournier à ces recommandations :
« Ce n’est pas faute de scrupules ni de bonne volonté. Le manuscrit du Roi des Aulnes a été soumis depuis le 1er janvier à :
– un médecin agrégé spécialiste des enfants
– un critique littéraire (Robert Poulet)
– un procureur de la République
– un historien allemand spécialiste du IIIe Reich
– un connaisseur en chasse et en équitation
outre bien sûr les lecteurs de Gallimard que j’ai écoutés la plume à la main.
Il en est résulté un dossier contenant des centaines d’observations et d’objections techniques et littéraires sur lequel je travaille depuis quatre mois. Il va de soi que si je tenais compte de toutes ces observations, il faudrait écrire une autre histoire – qui n’aurait d’ailleurs ni queue, ni tête ».
Dont acte pour Tournier, qui ne lâchera rien de son texte. Avec raison puisque le roman sera couronné du Prix Goncourt, à l’unanimité des dix commensaux du restaurant Drouant.
Très bel exemplaire d’une excellente provenance : Maurice Genevoix, à qui Tournier « doit tant ».
Quatre ans plus tard, Genevoix quitte sa fonction de secrétaire perpétuel de l’Académie française : aux ors de l’Institut et à l’appartement du quai de Conti, il préfère son pardessus, ses bottes et son bureau des Vernelles, sa maison au bord de la Loire. Le « verne », dans le parler solognot, c’est l’aulne. Genevoix sera désormais le roi des Aulnes, chez lui.