Le Mot
[Revue littéraire], Jean Cocteau

Le Mot

Paris, aux bureaux de la revue, imp. Crété, 1914 et 1915
20 vol. (275 x 475 mm). Cartonnage bradel, pièce de titre (reliure de l’époque).


Édition originale et collection complète de la plus célèbre revue de Cocteau
, publiée pendant la première guerre mondiale.
Une importante revue anti-militariste et germanophobe, présentant de nombreuses innovations typographiques.


Précieux ensemble : exemplaire Francis Poulenc, avec envoi,
enrichi d’un lettre d’un remerciements de soutien à Cypa Godebsky, le demi-frère de Misia Sert.


Envoi signé
: « à Francis Poulenc, son ami Jean Cocteau, 1918 ».

Le recueil, dans un cartonnage commandé par Poulenc, réunit les 20 numéros de publication, dont le double état de la couverture du n° 8, le premier état ayant été censuré et fort peu diffusé.

N°1 – 28 novembre 1914 ; N°2 – 7 décembre 1914 ; N°3 – 19 novembre 1914 ; N°4 – 2 janvier 1915 ; N°5 – 9 janvier 1915 ; N°6 – 16 janvier 1915 ; N°7 – 23 janvier 1915 ; N°8 – 30 janvier 1915 – 2 couvertures dont la première censurée ; N°9 – 6 février 1915 ; N°10 – 13 février 1915 – avec la double page pour la gravure de Dufy ; N°11 – 20 février 1915 ; N°12 – 27 février 1915 ; N°14 – 13 mars 1915 ; Feuillet d’annonce pour le numéro du samedi 20 mars interdit par la censure ; N°15 – 27 mars 1915 ; N°16 – 3 avril 1915 (mouillures sur les feuillets de ce numéro) ; N°17 – 1er mai 1915 ; N°18 – 1er juin 1915 ; N°19 – 15 juin 1915 ; N°20 – 1er juillet 1915.

Fondée en 1914 par Jean Cocteau et Paul Iribe, cette revue donne une image précise de la violence du conflit et de la dérive d’une certaine presse. Réformé, Cocteau ne veut pas rester inactif et s’engage à la Croix-rouge. En septembre, il assiste au bombardement de Reims et au convoi d’évacuation des blessés, qui le marque terriblement. Rentré à Paris, il prépare alors avec Iribe la future revue qui paraît le 27 novembre. Les premiers numéros exploitent un patriotisme sans nuances. Puis, très vite, les pages du journal s’ouvre aux artistes cubistes comme Albert Gleizes, Léon Bakst ou André Lhote ; Raoul Dufy y édite ses bois et Cocteau ses caricatures, sous le pseudonyme de Jim (pseudonyme emprunté à son chien) : des dessins très provocateurs. Celui d’Albert Gleizes, pour le n° 15, provoque une telle stupeur que le dessin est censurée et remplacé. Le rythme de parution doit ralentir à partir de mars 1915, lorsque Cocteau est appelé sous les drapeaux (jusqu’en juillet 1916).

Cocteau publiera, du n° 14 jusqu’au dernier, une série de planches satiriques intitulées « Atrocités ». Il s’en explique dans un article du numéro 17 (1er mai 1915) en partie repris dans le « Prospectus » du Potomak : “[…] mes bonshommes […] ne sont pas des «Allemands» à proprement parler, mais bien une sorte de graphique où, selon moi, s’inscrivent des états d’esprit de férocité, de lubricité, d’entente et de mysticisme. La formule en précède la guerre. J’avais réuni en 1913 un livre et un album où ces personnages nommés Eugènes me fascinaient, m’obligeaient obstinément, silencieusement, à m’occuper d’eux, à les reconnaître pour des microbes de l’âme. Des coïncidences et l’ensemble avec lequel des amis, au courant de mon travail, me dirent et m’écrivirent qu’il leur était impossible de ne pas assimiler les Eugènes à la hideuse croisade allemande, m’incitèrent à reprendre le type et à en restreindre l’écho”.

Il est joint à l’exemplaire un lettre autographe de Jean Cocteau à en-tête de la revue, au moment où celui-ci est appelé sous les drapeaux et doit obtenir de l’aide pour financer Le Mot : il se tourne vers Cypa Godebsky, le demi-frère de Misia Sert, avec qui il se trouvait lors des convois sanitaires de Reims. Godebsky et sa femme Ida tenaient salon tous les dimanches soirs, soit rue d’Athènes, soit dans leur grande demeure de La Grangette à Valvins en Seine-et-Marne, face à la forêt de Fontainebleau. Ouvert généreusement aux artistes (dont le cercle des Apaches) et aux écrivains (des anciens de La Revue blanche aux « nouveaux » de La Nouvelle Revue française), elle compte parmi ses invités réguliers Cocteau, Valéry, Fargue, Gide, Conrad, Bennett, Satie, Poulenc, Auric, Schmitt, Roussel, ainsi que les peintres Bonnard et Vuillard et le compositeur Maurice Ravel, qui dédicacera son Ma Mère l’Oye aux enfants du couple Godebsky, Jean et Mimi. Nulle surprise de trouver donc chez eux un écho favorable à la revue de Cocteau, à qui il donne rendez-vous au prochain dimanche. Un allié de plus pour l’écrivain, qui mènera à son terme la revue dont le dernier et vingtième numéro paraîtra en juillet 1915.

Lettre autographe signée à Monsieur Godebsky
[Paris, 16 mars 1915]. 1 page en 1 f. (210 x 270 mm) à en-tête de la revue Le Mot, enveloppe conservée.

« Comme je suis content que vous aimiez notre beau projet de contre-offensive.
Il faudrait que les Alliés m’aident. À Dimanche.
Jean Cocteau
».

 

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