Paris, Gallimard, (mars) 1954
1 vol. (115 x 185 mm) de 221 p. et [1] f. Broché, chemise, étui.
Édition originale.
Un des 40 premiers exemplaires sur vélin pur fil (n° 18).
« Glas des endeuillés, chant des morts que nous avons aimés » : c’est par ses mots, au prix d’une légère variante, qu’Albert Cohen titre la première version du texte, intitulée « Chant de mort ». Elle est publiée en quatre parties, de juin 1943 à mai 1944 dans la revue La France libre, alors qu’il se trouve à Londres, où il a trouvé refuge en juin 1940 avec sa femme et sa fille pour échapper à l’avancée nazie. Cohen en entreprend l’écriture pour permettre à sa nouvelle compagne Bella Berkowich, rencontrée en 1943, d’avoir la sensation d’avoir côtoyé Louise Judith Cohen, née Ferro, qui n’avait pu prendre part au voyage. Restée à Marseille, elle y décède le 10 janvier 1943 sans avoir pu revoir son fils. La culpabilité ne quittera pas Albert Cohen et ce sentiment donnera à son oeuvre une dimension lyrique de « chant de mort ».
Le texte final est publié en 1954, à peine remanié par rapport à la version originelle. La critique littéraire salue une oeuvre puissante et sincère, déjà qualifiée de chef-d’oeuvre, douze ans avant Belle du Seigneur. Marcel Pagnol, l’ami d’enfance d’Albert Cohen, fut l’un des premiers à souligner l’universalité du message délivré : « cet hommage à une mère particulière atteint continuellement au général » (Combat, 27 mai 1954).
« Pleurer sa mère, c’est pleurer son enfance. L’homme veut son enfance, veut la ravoir, et s’il aime davantage sa mère à mesure qu’il avance en âge, c’est parce que sa mère, c’est son enfance. J’ai été un enfant, je ne le suis plus et je n’en reviens pas. » Avec des accents parfois proustiens, il évoquera bien plus tard dans ses Carnets les « angéliques médicaments » de son enfance : « jamais plus, le baume tranquille dont j’aimais le nom, chère huile verte qu’avec une boule de coton elle étendait sur mon dos… Jamais plus, alcool camphré, sirop de tolu, eau des Carmes, élixir de Garus, alcoolat vulnéraire, sirop de polygala, charmants guérisseurs de mon enfance » (Gallimard, 1979, p. 43).
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