Le Libertinage | Exemplaire André Breton

Louis Aragon

Le Libertinage | Exemplaire André Breton

Paris, Editions de la nouvelle revue française, (31 mars) 1924
1 vol. (115 x 185 mm) de 254 p. et [2] f. Demi-maroquin orange à bandes, dos à nerfs orné, tête dorée, couvertures et dos conservés, étui bordé (reliure signée de Paul Bonet).

Édition originale.

Un des exemplaires sur papier vert.
Envoi signé : « À mon cher André ce livre écrit pour lui seul un jour que nous longions le jardin des Tuileries (au ministère des finances le factionnaire présentait les armes) Louis ».

 

Louis Aragon entendait par « libertinage » la libre pensée, se référant aux intellectuels du XVIIe siècle en rupture avec la morale et la tradition. « Sous ce titre équivoque », dit-il, il rassembla en 1923 « de petites histoires, contes, nouvelles, scènes dialoguées », écrits entre l’éparpillement du mouvement dadaïste et la constitution du groupe surréaliste, en octobre 1924 étant publié le Manifeste du surréalisme où Breton y définit à la fois le mot et les objectifs.

 

S’il est dédié à Pierre Drieu la Rochelle, le livre d’Aragon a bien André Breton pour véritable instigateur – « écrit pour lui seul », composé serait plus juste, puisqu’une grande partie des douze textes avait paru en revue. L’un d’eux, « Mademoiselle à sa tour monte », est expressément dédié à Breton et tout spécialement traduit pour cette édition car le texte n’avait paru qu’en anglais, en 1922, à New York. Il s’agit d’un conte en forme d’hommage au peintre Matisse qui constitue un manifeste de la modernité. « Aragon a voulu dresser l’image d’un dandysme moderne à l’opposé de celui d’À rebours […] Matisse cultive un art d’habiter qui répudie les styles et le luxe, affiche les fonctions des objets, s’inspire à la fois des tableaux matissiens et des papiers collés, de la publicité, de l’esthétique nue des objets techniques ou des lieux chers à l’Art Nouveau, et du cinéma muet dont les décors et les aventures rocambolesques alimentent ses rêves. » (Suzanne Ravis, Synopsis du Libertinage, Erita, 2005). Breton apparaît surtout dans un autre récit-confession, « Lorsque tout est fini », une mise en perspective de la « bande à Breton » et de son « chef », où la révolte permanente qui tourne déjà au dogme ne pourra être brisée « que grâce à la logique de “l’acte vraiment indéfendable”, la trahison. Texte magistral, qui tend à explorer les apories du dadaïsme, et quelques impasses de l’anarchie, à la lumière de la superposition de Breton et de Bonnot. » (D. Bougnoux, Œuvres romanesques complètes, Pléiade I). La facture de ces récits est révélatrice des écarts qu’Aragon devait toujours prendre avec tout cénacle : en effet, « L’Armoire à glace un beau soir » et « Au pied du mur » font des concessions à l’écriture automatique, les autres textes sont composés et laissent percer un projet romanesque faisant fi de l’anathème lancé par Breton sur ce genre littéraire. Aragon, « tenant du désordre », refuse les injonctions. Sa virulente préface, apologie provocatrice et brillante de l’amour, du scandale et de l’anarchie, en atteste : écrire, c’est rompre avec la dénaturation de sa pensée par les autres : « Je compris qu’on travestissait peu à peu ma pensée […] on choisissait en moi le moins insolite, et j’allais plaire à ceux-là mêmes qui n’auraient pu parler cinq minutes avec moi sans colère […]. Je n’ai jamais cherché autre chose que le scandale et je l’ai cherché pour lui-même. »

Précieux exemplaire donné à André Breton, lequel le confiera ensuite à Paul Bonet, installé depuis cette même année 1924, quatre ans après avoir découvert la reliure. Il a trente-cinq ans et ses premières reliures seront exposées l’année suivante au Musée Galliera et à l’exposition des Arts du livre français, où son talent passera inaperçu. Néanmoins, comme il l’indique dans ses Carnets, ces expositions lui « valurent la commande de quelques demi-reliures (…). Ce fut mon début réel et je ne connaissais aucun bibliophile ».

 

Cette demi-reliure « art déco » est l’une des toutes premières réalisées pour André Breton, dans ses titrages si caractéristiques de sa « première manière ». Paul Bonet, invité à Bruxelles chez le libraire Simonson, y rencontre ensuite René Gaffé, qui lui confie à relier pour la première fois des auteurs surréalistes : d’abord la collection complète de La Révolution surréaliste, puis quatre titres d’Aragon : Anicet, Le Traité du style, Le Libertinage et Le Paysan de Paris. Suivront le Manifeste du surréalisme puis Ralentir travaux, qui aboutiront à la rencontre de Bonet avec Breton et Paul Éluard.

Éluard sera le premier à confier à Bonet quelques travaux – d’abord son propre exem­plaire de Nadja en février 1931 –, tandis que Breton lui commande en octobre un ensemble de reliures et demi-reliures, dont vraisembla­blement celle-ci. Bonet ne décrit en effet dans ses Carnets que les deux reliures pleines commandées par Breton, mais signale « diverses autres reliures sur des œuvres de Breton et Éluard » pour les deux poètes et pour le bibliophile René Gaffé. Notre exemplaire André Breton et l’exemplaire René Gaffé constituent les deux seuls décors de Paul Bonet sur Le Libertinage. Quant aux exemplaires sur papier vert, nous en avons répertoriés 6, dont trois dédicacés : celui-ci, un exemplaire pour Paul Eluard et un autre pour Drieu la Rochelle.

André Breton a enrichi le sien de son célèbre ex-libris, « Le Tamanoir », dessiné et gravé par Salvador Dali vers 1930 (héliogravure en noir, 60 x 40 mm, imprimée sur vergé).

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