Bruxelles, Alph. Lebègue et Sacré fils, 1845-[1846]
15 vol. (95 x 145 mm) en 4 tomes de 160,168,160 et 160 p. ;166,164,164 et 160 p. ; 166, 162 et 160 p. ; 142, 152, 158 et 188 p. Demi-basane verte, dos lisse orné, titre doré (reliure de l’époque).
Contrefaçon belge, publiée conjointement à l’édition originale française.
Rare édition en quinze volumes, donnée par Alphonse Lebègue. Elle reprend le titre, fautif, de Monte-Christo, qui ne sera corrigé que l’année suivante.
« Attendre et espérer », voilà toute la sagesse d’Edmond Dantès. Ce fier marin, second du trois-mâts de marine marchande Le Pharaon, est sur le point d’être nom- mé capitaine et d’épouser sa bien-aimée, Mercédès. Jaloux de son ascension et de ce mariage, le comptable Danglars et Fernand Mondego, le cousin de Mercédès et amoureux d’elle, échafaudent un complot pour dénoncer anonymement Dantès comme conspirateur bonapartiste. Arrêté, il est enfermé au château d’If et attendra quatorze ans sa délivrance et sa vengeance. Elle sera terrible. Son vieux compagnon de cellule, l’abbé Faria, lui a révélé son secret et un fabuleux trésor qu’il fait sien après sa spectaculaire évasion. Edmond Dantès, devenu riche, entre dans la peau du comte de Monte-Cristo, lequel réussira à ériger en oeuvre d’art « cette justice sauvage, que les lois ne peuvent extirper du coeur humain » : l’expression reprise d’Alex Baudouin, l’auteur anonyme du Dictionnaire des vanités (1818), s’applique à merveille au héros du roman d’Alexandre Dumas.
Publié dans Le Journal des Débats du 28 août au 26 novembre 1844 pour les deux premières parties, puis du 20 juin 1845 au 15 janvier 1846 pour la troisième et dernière partie, sous le titre fautif de « Christo » pour « Cristo ». Admirative, George Sand écrira qu’il a sans doute fallu « des excès de vie pour renouveler cet énorme foyer de vie ».
Dès le 28 septembre 1845, Le Siècle reprenait le texte et le publiait en fascicules hebdomadaires, tandis que la véritable édition originale du Comte de Monte-Christo paraît, à sa suite, chez Pétion, puis Baudry, et est datée de 1845-1846 : dix-huit tomes, souvent réunis en neuf volumes in-8°.
Les exemplaires complets et en bonne condition de l’édition originale sont d’une grande rareté, la Bibliothèque nationale de France n’ayant de série complète que depuis l’acquisition en 1989 de l’exemplaire Sicklès (II, n° 313). Les rééditions, à la suite de l’édition Pétion-Baudry, se succédèrent aussitôt.
Au premier rang desquelles figurent les « contrefaçons belges » : ces imprimeurs échappaient à la réglementation française et, se fondant sur une loi hollandaise du 25 janvier 1817, affirmaient que « tout ouvrage qui appartient à toutes les nations, n’appartient à personne en particulier » ; ils faisaient dès lors imprimer au fur et à mesure les chapitres de ces romans, le lendemain ou quelques jours après la publication dans les journaux, et l’impression achevée, ces imprimeurs-éditeurs lançaient à bas prix sur le marché français une édition, généralement truffée de fautes typographiques, bien avant que l’éditeur officiel puisse lancer la véritable édition originale. Ces impressions pirates – que Fernand Vandérem, le directeur du Bulletin du bibliophile, désigna en 1926 sous le nom de « préfaçons » – furent un véritable fléau qui accabla la librairie française durant la première moitié du XIXe siècle.
On connaît quatre autres contrefaçons belges parues à ces mêmes dates de 1845 et 1846 : celle de Méline et Cans (en 8 volumes), celle de la Société typographique belge (13 vol.), celle de la Société belge de librairie, Hauman et Cie (en 8 vol.), et celle publiée conjointement à Bruxelles et à Leipzig par Charles Muquardt (8 vol.) : toutes sont parues en copiant la publication des feuilletons et avant même que le roman ne soit entièrement paru ; pour cette raison, elles sont toutes orthographiées Monte-Christo, au lieu de Monte-Cristo : cette faute ne sera corrigée que pour la seconde édition de Pétion de 1846.
Compte tenu de la très grande rareté de l’originale française, ces contrefaçons antérieures ou contemporaines sont devenues rares et fort recherchées.
Bel exemplaire, très pur, en stricte reliure d’époque.
Munro, Alexandre Dumas père, a bibliography of works published in French, Carteret, I, 236 ; Talvart, n° 70A ; Vicaire, III, 365 ; Clouzot 54 (pour l’édition originale).