Paris, Charpentier et Fasquelle, 1900
1 vol. (145 x 210 mm) de 262 p., [1] et 1 f. Maroquin vert, dos à nerfs, titre doré, tranches dorées sur témoins, filet sur les coupes, contreplats de maroquin havane ornés d’un décor floral, gardes de soie, couvertures et dos conservés, étui bordé (reliure signée de Marius Michel).
Édition originale.
Exemplaire imprimé sur papier vert Empire. On ne connaît que 4 autres exemplaires sur ce papier : les deux nominatifs pour Octave Mirbeau (Bibliothèque du bâtonnier J.-C.D, Giquello, 2018, n° 156) et Jean Richepin (Tajan, 2018, n° 161) ; celui
pour Mitzy Dalty, comédienne de la Belle-Époque et maîtresse de l’éditeur Fasquelle (Bibliothèque Natural, PBA, 2009, n° 567, avec l’ex-libris de la comédienne) et un dernier, broché, sans provenance (Giquello, 2025, n° 355).
De ces cinq exemplaires, le nôtre est le seul à comporter une dédicace de Rostand.
Envoi signé : « À Louis Barthou, ministre, bibliophile et Pyrénéen. Cambo 1908. Edmond Rostand ».
Montée en tête : lettre autographe signée au même, à en-tête de la villa Arnaga.
L’Aiglon naquit aux Tuileries le 20 mars 1811, où cent-un coups de canons annoncèrent aux Parisiens la naissance tant attendue du fils de l’empereur. Constitutionnellement dôté du titre de « prince impérial », il reçoit en outre celui de « roi de Rome » : le baptême sera célébré le 9 juin en la cathédrale Notre-Dame de Paris. La défaite de Waterloo contraindra Napoléon Ier à abdiquer en sa faveur, mais le gouvernement provisoire de Fouché fera comme si de rien n’était et les chambres refuseront de proclamer celui qui se trouve, depuis 1814, en exil à la cour d’Autriche. Il restera pour l’histoire celui qui n’a régné que du 22 juin au 7 juillet 1815. À Vienne, il reçoit une solide instruction religieuse, philosophique et militaire, sous l’affection de son grand-père, l’empereur François II (le perdant d’Austerlitz et de Wagram) qui, pour sceller la paix au le traité de Schönbrunn, avait offert à Napoléon sa fille aînée, Marie-Louise d’Autriche, qui deviendra la seconde épouse de Napoléon. Après l’abdication de Napoléon en 1815, François II lui donne le titre de duc de Reichstadt. Il sera élevé par sa mère et sa tante l’archi- duchesse Sophie, sous la gouvernance du comte de Dietrichstein.
Le prince impérial meurt le 22 juillet 1832, âgé seulement de vingt et un ans, au palais de Schönbrunn. Le diagnostic est celui d’une tuberculose foudroyante, mais la thèse de l’empoisonnement n’a jamais été écartée. La disparition de l’Aiglon, sans alliance ni postérité, mettra quoi qu’il en soit un terme à la fascination et aux craintes des grandes cours d’Europe sur un éventuel retour aux affaires du seul descendant légitime de Napoléon Ier.
La pièce d’Edmond Rostand a été créée le 15 mars 1900 avec, dans le rôle de l’Aiglon, une comédienne costumée en homme : Sarah Bernhardt. Le succès est immense – Paul Morand évoque dans son 1900 le Tout-Paris enfiévré de ce soir de première, citant la présence de Barthou, aux côtés des Pozzi, Mendès, Murat et autres Casimir Périer. « Edmond Rostand avait pris froid au cours des répétitions, dans les courants d’air des coulisses, et sans doute aussi, depuis deux ans, partagé entre son travail de composition et les obligations que lui créait sa gloire, avait-il mené une vie trop fatigante. On craignait que sa pleurésie ne dégénérât en affection pulmonaire ; on lui conseilla de quitter Paris. Néanmoins, il voulut veiller jusqu’au bout au sort de son oeuvre ; dans son lit de malade, il corrigea, nous dit Jules Claretie, les épreuves du texte qu’allait publier Fasquelle, en y ajoutant les indications de jeux de scène ; il y attachait d’autant plus d’importance que le texte, trop copieux pour la représentation, avait dû être fortement raccourci » (Ripert, Edmond Rostand, 1968, p. 319 et sq.)
La pièce donnera quelques immortelles et fameuses tirades, dont celle de Séraphin Flambeau, le grognard légendaire de la Grande Armée qui s’introduit à Schönbrunn auprès de l’Aiglon : « Nous, les petits, les obscurs, les sans-grades » (Acte II, scène 9), un rôle endossé par Lucien Guitry puis par Coquelin l’Aîné.
Interdite sous l’Occupation, la pièce fut jouée pendant deux ans consécutifs au théâtre du Châtelet devant des salles combles à partir d’août 1945.
Des bibliothèques Louis Barthou, Pierre Guérin et Emmanuel d’Andrée, avec ex-libris.