Ladies Almanack
Djuna BARNES

Ladies Almanack

Paris, Printed for the Author, and Sold by Edward W. Titus, 4 rue Delambre, at the sign of the Black Manikin, [Dijon, Imprimerie Darantière], 1928.
1 vol. (180 x 225 mm) de 84 p., [2] et 2 f. Broché, couverture à rabats de parchemin coloriée à la main.

Édition originale.

Un des 10 premiers exemplaires sur vergé de Vidalon.

Les 22 illustrations sont coloriées à la main par l’auteur, ainsi que les deux dessins sur chaque face de la couverture.  Chaque exemplaire l’a été différemment par Djuna Barnes, qui a alterné les coloris dans ses compositions d’un exemplaire à l’autre.

Rarissime grand papier de ce roman à clef du cercle moderniste, lesbien et américain de la fin des années 1920 à Paris.

Fantastique exemplaire à l’état de neuf absolu – sans doute le plus beau connu. Les coloris sont restés particulièrement frais, tant sur les feuillets de textes que sur les couvertures en parchemin et sont fixés plus soigneusement que dans d’autres exemplaires.

L’Almanach pour dames, production typique du XIXe siècle, est ici révisée et modernisée pour constituer le premier manifeste du genre, publié anonymement par « a Lady of Fashion», i.e. Djuna Barnes, romancière, dramaturge et artiste américaine. Elle débute sa carrière à New York en 1915, avec A Book of Repulsive Women, qu’elle illustre déjà elle-même. Elle se rend en 1921, en mission du magazine McCall, pour interviewer ses compatriotes expatriés américains qui prospéraient dans la communauté artistique et littéraire à Paris. Armée d’une lettre d’introduction pour James Joyce, elle le rencontre dès son arrivée pour Vanity Fair et devient son ami, qui lui ouvre les portes de la communauté américaine. Elle rencontre ainsi Natalie Clifford Barney, Gertrude Stein, Berenice Abbott et Sylvia Beach. Attirée par la liberté des moeurs qui y règne et par la vie menée par ses compatriotes, elle décide de s’installer à Paris, intègre l’avant-garde et le mouvement moderniste, s’essayant à tous les genres : journalisme, roman, nouvelle, poésie, théâtre ; et produisant une oeuvre expérimentale et subversive, affranchie des codes sociaux et littéraires de son époque, tout comme sa compagne, la sculptrice Thelma Wood, avec qui elle vit au 9 rue St-Romain jusqu’à leur rupture en 1931. En 1936, Grâce à T. S. Eliot, elle publie son chef-d’oeuvre romanesque, Le Bois de la nuit. Mais c’est une publication livrée huit ans plus tôt qui la rendra célèbre, celle du Ladies Almanack : l’oeuvre est une célébration de la sexualité féminine et un reproche au patriarcat hétérosexuel, qui dépeint sous une forme déguisée une grande partie de l’élite culturelle et artistique de l’avant-garde parisienne de l’époque, en particulier le cercle lesbien qui se réunissait autour de Natalie Clifford Barney – Janet Flanner, Romaine Brooks, Solita Solano, Dolly Wilde («Doll Furious») Lady Una Troubridge («Lady Tilly Tweed-in-Blood») et Radclyffe Hall. Le personnage de Barney s’appelle ici « Dame Evangeline Musset », décrite comme une « pionnière », désormais mentor dont le but consiste à sauver les femmes en détresse et à dispenser la sagesse. Le style est enraciné dans des blagues internes et maintient une ambiguïté constante, Barnes optant pour une expérimentation moderniste inspirée de sa rencontre avec James Joyce. Elle fut écrite en quelques semaines au printemps 1928 comme « une blague », une distraction pendant l’hospitalisation de sa compagne Thelma Wood, avant d’être distribuée sous le manteau à Paris et plus tard New York par les mêmes amis.

Le livre devait initialement être publié par Edward Titus à la Black Manikin Press à Paris. Époux – désargenté – de la richissime Helena Rubinstein, Titus créa en 1924 une librairie de livres rares, At the sign of the Black Manikin, tout en se lançant dans l’édition d’auteurs anglophones ; il est notamment l’éditeur de la première édition française de Lady Chatterley’s Lover de D. H. Lawrence, précédé de l’essai Pornography and Obscenity, longtemps interdit dans les pays de langue anglaise. Mais le prix de l’impression demandé par Titus à Barnes se révéla trop élevé : conseillée par Sylvia Beach (qui y fit publier l’Ulysses de Joyce), Robert Mc Almon et Nancy Cunard, elle se tourne vers le savoir-faire de Maurice Darantière, à Dijon. C’est là que le livre est imprimé, avec une fragile couverture sur parchemin. Seuls les exemplaires de tête sont coloriés à la main, et vendus au prix alors très élevé de 50 $ – pour un tirage de 1000 exemplaires sur alfa, 40 sur Rives et 10 sur vergé.

« L’Almanach des dames est un livre à part dans l’oeuvre de Djuna Barnes qui, en se réappropriant les codes et les formes de la littérature grivoise des siècles antérieurs, sature le texte d’allusions et d’équivoques sexuels et dresse une topographie entièrement nouvelle du corps féminin, du point de vue de ‘l’oeil lesbien’ » (Michèle Causse, préface à la traduction française). C’est un hommage satirique aux femmes qui fréquentaient le salon parisien de Natalie Barney dans les années 1920.

Le merle blanc de la littérature lesbienne dans cette condition.

Un seul exemplaire semble être passé en vente publique depuis plus de cinquante ans (le n° 9, à New York, en 2019, « A landmark title in lesbian literature, with no other copies of the deluxe issue appearing at auction according to Rare Book Hub and ABPC ») ; on connaît également l’exemplaire n° 4, déniché en 2002 par Martin Stone et passé depuis dans une collection publique américaine : l’un et l’autre était en nettement moins bonne condition que notre exemplaire. Est également connu l’exemplaire n° 2, dont la jaquette en parchemin est en fac-similé.

Les 22 illustrations séduisantes qui accompagnent le texte (zodiaques féminisés, grotesques médiévaux, caricatures sexuelles, chérubins baroques, iconographie parodique et autres emblèmes archaïques et obscurs) ont fait l’objet de plusieurs rééditions, parfois en planches séparées.

Exemplaire de passe, non justifié : il provient de la bibliothèque de Gaston Gérard, ancien maire de Dijon, sans doute offert par l’imprimeur de l’ouvrage, Maurice Darantière.

Hugh Ford, « Published in Paris : l’édition américaine et anglaise à Paris, 1920-1939 », Bulletin des bibliothèques de France, 1996, n° 6, p. 102-103 ; Djuna Barnes, Almanach des dames. Traduction et postface de Michèle Causse, Paris, Ypsilon, 2014 ; Bernie, Christine, “A Nose-Length into the Matter”: Sexology and Lesbian Desire in Djuna Barnes’s “Ladies Almanack” ; Mary Lynn Broe, Silence and Power: A Reevaluation of Djuna Barnes, 1991.

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