Paris, Fayard, 2005
1 vol. (135 x 215 mm) de 485 p. et [1] f. Veau naturel estampé d’une plaque au cardorundum, teinté vert et noir, titre au film vert sur le premier plat, dos lisse, tranches dorées sur témoins à l’or blanc, contreplats veau naturel teinté vert et gris, garde de chèvre velours anthracite, chemise et étui assortis (reliure signée de Louise Bescond – titr. C. Ribal, 2022).
Édition originale.
Un des 179 premiers exemplaires sur Ingres d’Arches (n° XXXII), celui-ci hors commerce.
Envoi signé : “pour Jean-Luc [Marchant], en espérant qu’il trouvera justifié l’effort de découper les pages une à une. Michel Houellebecq”.
Satire sociale et morale du monde contemporain tout autant que conte philosophico-religieux, La Possibilité d’une île explore le clonage dans un avenir où l’humanité est décimée. Houellebecq et ses deux clones (ou clowns), Daniel1 et Daniel2, livrent un autoportrait de l’artiste en vieil homme, éclaireur hyperréaliste, convaincu que tout ce que permet la science – y compris le moins souhaitable pour l’homme – sera réalisé.
La Possibilité d’une île est aussi une sinistre réflexion sur les rapports entre les générations dans un monde en décadence, noyé dans ses médiocrités : « le corps physique des jeunes, seul bien désirable qu’ait été en mesure de produire le monde, était réservé à l’usage exclusif des jeunes, et le sort des vieux était de travailler et de pâtir. Tel était le vrai sens de la solidarité entre générations : il consistait en un pur et simple holocauste de chaque génération au profit de celle appelée à la remplacer, holocauste cruel, prolongé, et qui ne s’accompagnait d’aucune consolation, d’aucun réconfort, d’aucune compensation matérielle ni affective ». Ce noir constat est à rapprocher de celui de d’Arthur Schopenhauer – maintes fois cité dans La Possibilité d’une île – qui avait eu cette métaphore : « L’existence humaine ressemble à une représentation théâtrale qui, commencée par des acteurs vivants, serait terminée par des automates revêtus des mêmes costumes. »
Le titre échouera au prix Goncourt (par quatre voix contre six au Trois jours chez ma mère de Weyergans), et Houellebecq lui-même le considère comme son meilleur livre. Il sera salué entre autres par le regretté Philippe Muray, qui juge Houellebecq tout à fait visionnaire d’un monde à la dérive, sauvé par « cette attente millénariste d’une humanité neuve dégagée du malheur d’aimer, de la souffrance de vieillir et de la tragédie de mourir ».
Houellebecq avait donné de sa personne pour l’écriture de ce quatrième roman à considérer qu’il fraya avec la secte des raéliens, trinquant avec Claude Vorilhon, alias Raël – grand gourou et voyou, incarné ici par un savant fou spécialiste de génétique et de biologie moléculaire dénommé Miskiewicz, à la tête d’une secte adorateurs des Elohim, extraterrestres responsables de la création de l’humanité. Houellebecq suivra de près les élucubrations savamment orchestrées depuis Genève de son entreprise d’utilité privée, enquêtant et se renseignant sur la possibilité de l’existence d’un tel continent duquel sortiront tout droit ses clônes lointains : Daniel25, Daniel26…
Un régal et un beau champ d’investigations pour Houellebecq, qui sera même consacré « prêtre honoraire » par Raël lui-même au congrès international raëlien de Sierre d’octobre 2005, en raison « de son intégrité et de son honnêteté exemplaire à n’avoir eu que des propos respectueux à notre égard, malgré les pressions journalistiques pour dire du mal de nous ». Dieudonné recevra la même distinction en 2015, tout comme Michel Onfray, qui l’apprit par voie de presse et répliqua n’avoir rien demandé à cette « tribu de demeurés ». Le « club » est de qualité, puisque Houellebecq rejoint ainsi les 79 – à ce jour – autres non raëliens déjà nommés pour leurs actions en faveur d’une « Humanité plus juste et plus belle », parmi lesquels se comptent Madonna, Sinead O’Connor, Bill Gates, Michael Moore, Hugh Hefner, Hugo Chavez, Eminem, Noam Chomsky, Julian Assange, Stephen Fry ou Elon Musk. Ce que c’est que la célébrité…
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