Lettre autographe signée

[Romain Gary] Anne Colcanap

Lettre autographe signée

St-Pierre-Quilbignon [Finistère], 13 janvier 1946.
3 pages (135 x 175 mm) en 1 f. plié, encre sépia.

Merveilleuse, longue et émouvante lettre de la mère de l’aviateur de la France Libre Robert Colcanap, à Romain Gary.

Robert Colnacap, âgé de dix-sept ans, est le dédicataire du premier livre de Gary, Forest of Anger, publié à Londres en 1944 et traduit quelques mois plus tard en français sous le titre de L’Éducation européenne. Colnacap, qui partagea la chambrée de Gary, est mort lors d’un exercice, quelques mois avant le débarquement de Normandie. Les deux hommes s’étaient liés d’amitié au sein du groupe Lorraine.

« Monsieur et cher ami, Je m’excuse de vous donner cette appellation, justifiée seulement par la camaraderie qui vous unissait à notre Robert. Je ne saurais vous dire à quel point nous sommes touchés, mon mari et moi, du geste délicat que vous avez eu en nous adressant L’Éducation européenne écrit à la Mémoire de notre malheureux fils et signé de votre main. […] J’aimerais tant savoir où, quand, et dans quelles circonstances vous avez connu notre enfant. Les biographies que j’ai pu lire vous concernant sont muettes – bien entendu – sur votre activité militaire. Je sais seulement que vous êtes un des rares rescapés parmi les aviateurs des Forces Françaises Libres en Angleterre, et que vous avez fait à l’avance, comme tant d’autres, le sacrifice de votre vie pour que l’Humanité devienne enfin libre. […] Si notre petit a eu connaissance de votre roman, il n’a pas dû vous ménager son admiration. Et, s’il vivait encore, comme il savourerait la joie de vous voir décerner aujourd’hui le Prix des Critiques ! […] ».

Forest of Anger s’ouvre avec l’évocation de son camarade Robert Calcanap, qui s’était engagé dans les Forces françaises libres à l’âge de dix-huit ans. Gary le lui dédie ainsi : « À la mémoire de mon camarade, le Français libre Robert Colcanap ».

D’une mère institutrice et d’un père qui sert dans la Marine, Robert Colcanap est né le 11 mai 1922, près de Morlaix. La famille Colcanap s’installe à Brest en 1926. Encore lycéen au moment de la signature de l’armistice, et donc trop jeune pour avoir eu la possibilité de combattre, il décide de rallier La France Libre. Le jour même de l’appel du 18 juin, il embarque à Brest à bord du Meknès, à destination de l’Angleterre. Dès son arrivée sur le sol britannique, il demande à servir dans l’aviation. Refus, direct, de Charles de Gaulle : « jeune homme, passez d’abord vos diplômes ». Il obtient son certificat d’admission au lycée français de Londres, le 25 septembre 1940, passe son concours, et signe derechef le 28 octobre suivant un engagement volontaire dans les FAFL, sous le matricule n° 30.503. Il est affecté sur le cuirassé Courbet, puis transféré au camp de Old Dean à Camberley.

Malgré son jeune âge, il se distingue par de premiers états de service remarquables, et remarqués. Nommé sous-lieutenant le 15 décembre 1942, il rejoint le groupe de bombardement Lorraine. Il en restera l’éternel benjamin. C’est au cours d’un exercice, le 11 novembre 1943, au-dessus de l’Angleterre, qu’il trouve la mort, suite à un accident de moteur de son appareil, un Boston III BZ. Sept mois auparavant, le 4 avril 1943 à Londres, Robert Colcanap avait rédigé son testament dont voici un extrait :

« Je voudrais que soient conservés mes livres de médecine-Physique-Chimie (achetés avec mes économies), les poésies de Baudelaire, de Péguy et surtout la vie de Mozart ainsi que mes concertos et sonates pour violon, lesquels ont été pendant de longs mois mes meilleurs compagnons et ont constitué la meilleure des consolations. Je regrette de ne pouvoir vous laisser les deux objets auxquels je tenais le plus ; un Kodak 35 acheté au Caire en avril 42 et une ciné-caméra 8 mm (fruits de mes économies) tous deux perdus au cours du torpillage à cent kilomètres au large de Durban, le 1er novembre 1942. J’ai également perdu ce jour mon carnet de route, commencé le 18 juin 1940, sans compter des photos et films pris au Kenya. Grâce à ces documents il eut été facile de retrouver ma vie depuis cette date fatale du 18 juin 1940. Il y avait là, matière à plusieurs romans. Je suis heureux d’avoir fait ce que je considère comme mon devoir ; si c’était à refaire je recommencerais. J’estime en toute conscience que je n’ai rien à me reprocher. ».

Plusieurs passages de La Promesse de l’aube et de L’Éducation européenne font directement référence à des événements vécus par l’auteur durant ce service. Pour être plus complet, c’est sur une phrase et un portrait de Robert Colnacap que s’ouvre l’ouvrage de référence consacré au groupe Lorraine : « Nous jurons de rendre à la patrie sa liberté !  Le 19 juin 1940, un gamin rieur de seize ans et demi débarque en Angleterre. Il s’appelle Robert Colnacap » (incipit de Les Bombardiers de la France libre. Groupe Lorraine, par François Broche, Paris, Presses de la Cité, 1979).

Le groupe de bombardement Lorraine reçoit la Croix de la Libération, le 28 mai 1945. Au cours du conflit, il a effectué plus de 3 000 sorties, déversant 2 500 tonnes de bombes et perdant 127 hommes. Le 18 juin 1945, il participe au défilé aérien au-dessus des Champs-Élysées en formant une croix de Lorraine avec ses appareils. Il est dissous en 1952, donnant un an plus tard naissance à la 30e escadre de chasse, aujourd’hui intégrée dans la prestigieuse BA118 de Mont-de-Marsan, l’une des plus grandes bases de l’Armée de l’air française.

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