Paris, Hetzel, 1868.
1 vol. (120 x 185 mm) de 2 f. et 337 p. Broché.
Édition originale de la traduction française.
Troisième roman de l’auteur traduit, cette satire mordante de la bourgeoisie russe située dans la ville d’eau de Baden-Baden où l’on rencontrait vers 1860 mondains et extravagants en tout genre, avait paru dans sa langue d’origine en début d’année dans Le Messager russe. Il devait être publié la même année à Moscou par les éditions Salaëv, mais Tourguénev se heurte à un refus, suite à la désapprobation du public de bien-pensants et de nationalistes qui ne supportent pas les attaques contre leur caste : « le roman ne plaît presque à personne. Et figurez-vous que cela m’est parfaitement égal et je ne donnerais pas une guigne pour recevoir votre approbation. Figurez-vous que je suis sûr que c’est la seule chose pertinente et utile que j’ai écrite », rétorque-t-il à son éditeur. Et de se tourner alors vers la France pour diffuser son texte, en confiant la traduction au prince Augustin Galitzin (ou Golitsyne), un russe francisé, catholique, affilié à la Compagnie de Jésus et par ailleurs actionnaire du journal Le Correspondant.
Lequel va éditer une première version tronquée, publiée en trois livraisons entre juillet et octobre 1867 dans Le Correspondant, que Prosper Mérimée devait superviser et réviser avant la parution. Il n’en fut rien et le prince Golitsyne ne tint pour finir aucun compte de leurs avis : « Tourgueniev est au désespoir. Il a fait faire une traduction de son dernier roman par un prince Galitzin, lequel se trouve ne pas savoir le russe et pas trop bien le français. […]. Je passe mon temps à corriger les épreuves ; Galitzine supprime les passages un peu scabreux et moi je les rétablis. Je ne sais à qui de nous deux restera la victoire, mais j’espère bien scandaliser les douairières qui lisent Le Correspondant. »
Tourguénev, horrifié par ces non-sens et ces coupes, ne peut que déplorer l’incapacité évidente du traducteur, qui vient s’ajouter à une volonté de censure non moins grande ; il se tourne alors alors vers l’éditeur Jules Hetzel, avec qui il est en contact dès octobre 1867 et qui lui assure pouvoir publier le texte en volume ; il se lance alors avec Mérimée dans un marathon de corrections et de relectures.
Le livre paraîtra en mars 1868, sans nom de traducteur. On ne l’y reprendra plus : Tourguénev supervisera dès lors toutes les traductions à venir de ses livres.
Bel exemplaire broché, condition rare.
Vladimir Boutchik, Bibliographie des oeuvres littéraires russes traduites en français, 58.
Vladimir Boutchik, Bibliographie des oeuvres littéraires russes traduites en français, 58.
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