New York & Londres, The Century Co., 1932.
1 vol. (130 x 190 mm) de 198 p. et 1 f. Cartonnage et jaquette éditeur.
Traduction anglaise par Stuart Gilbert, préface d’André Gide.
Envoi signé : « Pour monsieur Peter Neale qui a été tellement aimable et auquel je dois de partir pour l’Amérique du Sud dans les meilleures conditions possibles. Avec toute mon amitié, Antoine de Saint-Exupéry ».
Photographie originale contrecollée en regard de l’envoi (sur la garde) avec cette légende : « Antoine de Saint-Exupéry, at Roosevelt field, NY ».
Avec la prime d’assurance destinée à le dédommager de la perte de son avion échoué dans le désert de Libye, Antoine de Saint-Exupéry s’achète en 1936 un Caudron Simoun modèle C635, immatriculé F-ANKX. Le 5 janvier 1938, il embarque au Havre sur le paquebot Île-de-France en direction de l’Amérique avec son fidèle mécanicien André Prévot. Le voyageur emporte avec lui de drôles de bagages : son avion en pièces détachées ! Dix jours plus tard, il est remonté et parqué à Roosevelt Field – le plus ancien aéroport construit à New York.
C’est depuis cette piste mythique qu’en juin 1927 un jeune pilote inconnu, Charles Lindbergh, s’était élancé seul à bord d’un petit monoplan équipé d’un moteur de 225 cv, le Spirit of Saint-Louis, pour la première traversée de l’Atlantique.
Moins d’un mois après leur arrivée, le 15 février 1938, Saint-Exupéry et Prévot prennent le départ de New York avec l’intention d’atteindre Punta Arenas, au sud de l’Argentine. Ils font escale à Atlanta, Huston, Mexico et Veracruz, avant de se poser, après 5 500 km, à Guatemala City le 16 février pour y faire le plein de carburant. Mais ils ignorent ou peut-être oublient que le gallon guatémaltèque de 4,5 litres est différent de celui américain – qui ne fait que 3,8 litres – et surchargent les réservoirs. Trop lourd, l’avion ne parvient pas à décoller et s’écrase en bout de piste. Si Prévot s’en sort avec une jambe cassée, Saint-Exupéry reste huit jours dans le coma ; atteint de huit fractures, il évite de justesse l’amputation de la main. Il est hospitalisé plus d’un mois au Guatemala avant de poursuivre sa convalescence à New York. C’est l’accident le plus grave qu’il ait connu jusqu’ici.
Cette photographie est vraisemblablement la dernière prise avant leur départ et l’on ne connaît que deux seules autres photographies – de presse – à Roosevelt Field, où Saint-Exupéry et André Prévot posent, l’une dans leur cabine de pilotage, l’autre devant l’avion.
Notre photographie est quant à elle inédite, vraisemblablement prise par celui auquel le volume est dédicacé : on y voit Saint-Exupéry, dans ses pensées, marchant devant son appareil sur le tarmac, sûrement à quelques jours du départ.
Nous n’avons pu identifier le Peter Neale de la dédicace : il s’agit vraisemblablement, vu les termes de l’envoi, d’un mécanicien sur place, ou d’un assistant ayant pu participer à la préparation efficace du vol. Night Flight a été un immense succès et Saint-Exupéry est, pour le public, et plus encore pour quelqu’un gravitant dans le milieu de l’aviation, une grande célébrité. Que le pilote-écrivain lui dédicace son ouvrage majeur fut pour lui sans doute un grand honneur, n’en doutons pas !
Après son accident, il sera rapatrié à New York, au printemps, et profitera de cette période de repos forcé pour rédiger, sur le conseil de ses amis et de ses éditeurs, un nouveau livre – lui qui n’a rien écrit depuis Vol de nuit. Ce sera Terre des hommes, un récit autobiographique étayé par des réflexions sur l’héroïsme, l’amitié, la mort et le rapport à l’existence. « Je ne regrette rien. J’ai joué, j’ai perdu. C’est dans l’ordre de mon métier. Mais, tout de même, je l’ai respiré, le vent de la mer. Ceux qui l’ont goûté une fois n’oublient pas cette nourriture. N’est-ce pas, mes camarades ? Et il ne s’agit pas de vivre dangereusement. Cette formule est prétentieuse. Les toréadors ne me plaisent guère. Ce n’est pas le danger que j’aime. Je sais ce que j’aime. C’est la vie. »