Alger, Fontaine n° 22, (juin) 1942.
1 vol. (160 x 235 mm) de 232 p. et [8] f. Brochée, sous couverture imprimée en rouge et noir.
Première parution de « Liberté » sous son titre originel « Une seule pensée », en ouverture du numéro de la revue Fontaine de juin 1942, tiré à seulement un millier d’exemplaires.
Visé et autorisé par la censure à Alger, le poème porte comme titre « Une seule pensée » alors qu’Éluard l’a déjà renommé « Liberté », comme en atteste le manuscrit ayant les deux titres (le premier biffé) qu’il a confié à Max-Pol Fouchet à la mi-mai 1942. « Je donnai à Paul l’assurance que je publierais le poème dans Fontaine, et même en tête de la revue, en éditorial, raconte Fouchet (Un jour, je m’en souviens…, p. 89-90). C’est impossible, me répondit-il, jamais la censure ne permettrait l’impression d’un tel texte […]. C’était pour moi comme un défi. Il me fallait publier «Une seule pensée» ». Où se comprend aisément le choix du directeur de Fontaine de conserver ce titre initial, qu’il préférait d’ailleurs, dans l’espoir de tromper la censure.
Le manuscrit en poche, Fouchet fait donc composer le texte à Alger et soumet les épreuves au censeur français : « Un censeur allemand se tenait à ses côtés, mais heureusement ne comprenait guère notre langue. Le Français commença de lire le poème. Au bout d’une dizaine de quatrains, il me regarda, l’air excédé : «Ah, je vois ce qu’il en est, c’est un poème d’amour… Vous, les poètes, vous répétez toujours la même chose !» Je ne le détrompai pas. Il haussa les épaules, lança un clin d’oeil coquin à l’Allemand, apposa le cachet d’autorisation sur les épreuves, sans poursuivre sa lecture jusqu’au dernier quatrain. Je sortis de son bureau, le coeur battant. Un miracle, un miracle, me répétais-je. Ainsi « Liberté » ou plutôt « Une seule pensée » d’Éluard put paraître dans Fontaine, en éditorial, et non pas clandestinement, ce qui aurait réduit son audience, mais en pleine lumière » (Ibid., p. 90-91).
Le texte publié est strictement celui du manuscrit confié par Éluard, avec les deux mots désirs et souvenirs au pluriel (antépénultième et avant-dernière strophes).
Sitôt ce numéro de Fontaine parvenu en zone non occupée à la fin août 1942, les deux dernières strophes du poème sont étonnamment citées dans l’hebdomadaire Candide le 2 septembre, peu avant que le poème soit repris in extenso à Londres, sous le même titre « Une seule pensée », dans La France libre du 15 septembre 1942. C’est alors que, dès les premiers jours d’octobre, le groupe La Main à plume le publie à Paris d’après un autre manuscrit (sur lesquels les mots désirs et souvenirs figurent bien au pluriel, alors qu’ils seront imprimés au singulier) dans la plaquette Poésie et Vérité 1942 pour la première fois sous le titre « Liberté » ; édition reprise par Fouchet à Alger en avril 1943 aux Éditions de la revue Fontaine, dans la collection « Les relais de Fontaine » dont c’est le premier titre. Le 20 février précédent, le poème paraît en Suisse, à Neuchâtel, dans la « collection des Cahiers du Rhône » d’Albert Béguin, au sein d’une deuxième édition, augmentée, de Poésie et Vérité 1942, à nouveau sous le titre « Liberté » (mais avec la marque du pluriel aux mots désirs et souvenirs). C’est encore d’après le texte paru dans Fontaine, sous son titre originel « Une seule pensée », que le poème est publié à Londres en avril 1943 dans la Revue du monde libre dont la Royal Air Force larguera nombre d’exemplaires sur la France occupée ; à New York le 19 décembre 1943 dans le journal France Amérique ; à nouveau à Alger en juin 1944 dans la revue Fontaine ; et à Rio de Janeiro en juillet 1944. Parallèlement, voient le jour une édition bilingue de Poetry and Truth 1942 incluant « Liberty » à Londres en mai 1944 ; une deuxième parution du poème sous le titre « Liberté » à Londres dans la première livraison de la revue Choix en juillet 1944 ; une publication pour le compte des éditions Julliard au sein du recueil d’Éluard Dignes de vivre ce même mois ; et une première édition séparée en plaquette du poème à la Libération par les éditions des Francs-tireurs partisans français du Lot (se reporter p. 51 pour une recension complète).
Un document mythique, et un numéro de Fontaine introuvable.
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