S.l., Mai 1946.
9 pages en 5 f. (180 x 275 mm) pliés et encartés les uns dans les autres, encre bleue et noire.
Manuscrit autographe signé de l’article d’André Masson paru dans la revue Fontaine, n° 53 de juin 1946.
Masson a titré en grandes capitales le titre et rédigé la première partie à l’encre noire et le reste du texte à l’encre bleue.
Poète de l’abstraction, fasciné par la lumière des pays lointains et la magie de la nature, Paul Klee (1879 – 1940) est autant un peintre de talent qu’un grand aquarelliste. Né à en Suisse, près de Berne, il s’installe en 1898 en Allemagne et entreprend des études d’art, à Munich : c’est dans cette ville que le postimpressionnisme le touche de plein fouet et qu’il découvre à l’occasion d’une exposition Vincent Van Gogh et Paul Cézanne. C’est un choc. Il fait ensuite la connaissance des membres du Blau Reiter, emmenés par Vassily Kandinsky et participe, en 1912, il participe à la deuxième exposition du groupe, exclusivement composée d’oeuvres graphiques. Grâce à son ami designer, urbaniste et architecte Walter Gropius, Paul Klee commence à enseigner en 1921 au sein du Bauhaus l’art abstrait pendant dix ans, en développant une approche singulière de la couleur. Considéré comme juif par les nazis, rangé dans la catégorie des peintres dégénérés, il doit fuir l’Allemagne et meurt au début de la Seconde Guerre mondiale.
André Masson et Paul Klee sont tous les deux désignés par André Breton comme des artistes ayant des grandes qualités dans son Manifeste surréaliste (1924), mais le mouvement surréaliste n’a pas joué de rôle dans leur rapprochement. Il n’existe aucune trace d’une quelconque rencontre, mais il semble impensable que les deux artistes ne se soient pas connus. Masson découvre l’oeuvre de Klee en 1922, avant la formation du mouvement. Il travaille dans l’atelier de la rue Blomet à Paris, avec Joan Miró, à qui il fait partager sa découverte : « Je suis surtout reconnaissant à André Masson de m’avoir fait découvrir la peinture de Paul Klee. Un jour qu’il me montrait des planches dans un de ses albums… J’ai été subjugué ! Je me suis précipité dans la seule galerie parisienne qui exposait ses gouaches et aquarelles. À partir de ce jour, mon travail a pris une toute autre tournure, il est devenu surréaliste, si l’on peut dire. Ma rencontre avec l’oeuvre de Klee a été l’événement le plus important de ma vie. Grâce à son influence, ma peinture s’est libérée de toutes les contraintes terrestres. Klee m’a permis de comprendre qu’une simple tache, une spirale, voire un point, pouvait constituer le sujet d’un tableau, au même titre qu’un visage, un paysage ou un monument… ».
L’« Éloge de Paul Klee » répond à l’essai critique « Paul Klee, ou la passivité » de René Renne et Claude Serbanne paru l’année précédente dans les Cahiers du Sud. En faisant l’éloge de Klee, Masson projette ses idées : l’émancipation des valeurs conventionnelles et l’emploi de techniques originales tirant parti de résultats accidentels et utilise le terme « infinir », car il décèle dans l’oeuvre de Klee une conception particulière du temps et comprend que son oeuvre possède une énergie constamment dynamique en perpétuelle transformation.
Le manuscrit est signé et daté « André Masson (mai 1946) » ; quelques ratures et ajouts ainsi qu’une mention au crayon de couleur vert de mise en forme du texte.
Will Grohmann, Paul Klee, Paris: Cahiers d’art, 1929 ; André Masson, « Éloge de Paul Klee, » in: Fontaine, no. 53, June 1946, pp. 105-108 ; Renne-Serbanne, «Paul Klee ou la passivité,» in: Les Cahiers du Sud, no. 273, September 1945, pp. 670-676.
Parution : Fontaine, n° 53, 1946. Exposition Vichy, n° 432.
28690