Paris, Maeght, (20 janvier) 1948.
1 vol. (285 x 390 mm) de [53] f. Broché, sous couverture illustrée en couleurs, chemise et étui (Elbel).
Édition originale.
Tirage limité à 750 exemplaires sur vélin du Marais.
94 fac-similé des dessins et des textes de Georges Braque reproduit en photo-lithographie par Mourlot Frères.
La couverture est illustrée d’une lithographie originale de l’artiste.
L’exemplaire de René Char, justifié à la main, enrichi d’une photographie contrecollée et légendée par Char : « Varengeville Février 1948 ».
Envoi signé : « Au poëte René Char, avec empressement, pour que ce sillage aille jusqu’à vous. G. Braque 1948 ».
Il s’agit du premier cahier consacré à Georges Braque, un an après sa rencontre avec Aimé Maeght, son futur marchand. Braque avait rencontré Char en 1947 et aussitôt accepté de donner en mai un texte pour le premier numéro de Derrière le miroir consacré à l’artiste, pour la première exposition de Braque chez Maeght à Paris (Derrière le miroir, Georges Braque, n° 4, juin 1947). Après l’exposition, Maeght publie le Cahier de Georges Braque, 1917-1947, aboutissement de ses réflexions sur l’art. Char et Braque se rencontrent pour la première fois en septembre en marge du premier festival d’Avignon créé par Jean Vilar l’aide de Char, à l’exposition d’art moderne organisée par Yvonne Zervos. La complicité des deux hommes est immédiate. Braque séjourne dès l’automne aux Busclats, chez Char, que le peintre invite à Varengeville-sur-mer, dans la maison normande qu’il possède avec son épouse Marcelle.
Formidable et historique témoignage, cette photographie étant la plus ancienne connue des deux hommes ensemble et ce tirage est inédit. Elle est l’oeuvre de Mariette Lachaud, la fille de la cuisinière des Braque. « Un jour, le peintre lui offre un appareil-photo, rappelle Joanne Snrech, conservatrice au musée des Beaux-Arts de Rouen. Mariette Lachaud va alors photographier le quotidien de la maison. Il existe un fond encore peu exploité. Les photographies ne sont pas toujours de très grande qualité mais elle est là à chaque fois au bon moment. Elle saisit des instants très intimes. C’est un précieux témoignage ». On connaît de cette photographie une variante, où Char regarde Braque, qui sera utilisée quinze ans plus tard pour l’édition à 21 exemplaires de Ainsi va l’amitié, publiée par PAB en 1962, qui contenait quatre photographies de Mariette Lachaud, seul témoignage publié de l’amitié entre le poète et le peintre.
Ce cinquième cliché, dont il n’existe que ce seul tirage, fut offert à Char pour orner l’exemplaire.
Ce dernier s’empressa de le légender et de le dater, répondant ainsi à la dédicace de son ami. Le « sillage » convoqué par Braque prendra plus que corps puisqu’il mènera les deux hommes vers une amitié réciproque et plusieurs collaborations majeures. La première se fera dès l’année suivante, inspirée par le séjour à Varengeville : l’illustration par Braque du Soleil des eaux (Matarasso, 1949), qui inaugurera le motif de l’oiseau. Char aura donné juste avant une préface à l’Héraclite d’Éphèse (Cahiers d’Art), sur le texte d’Yves Battistini, illustrée d’une eau-forte de Braque. Suivra, en 1950, l’important texte « Sous la verrière » (in Derrière le miroir, n° 25-26, janvier 1950), une « conversation souveraine » dans laquelle Char instaure un dialogue entre le poète et le peintre, lequel « fait entrer quelque lumière » dans son tableau, que le poète assimile à une « vérité (…) Chemin faisant, ce qui importe, c’est de fonder un amour nouveau à partir d’êtres et d’objets jusqu’alors indifférents ». Suivront La Bibliothèque est en feu (Louis Broder, 1956), À Braque (PAB, 1956), Jeanne qu’on brûla verte (PAB, 1956), Cinq poésies en hommage à Georges Braque (PAB, 1958), Le Ruisseau de blé (PAB, 1960), Nous ne jalousons pas les dieux (PAB, 1962) et évidemment le point d’orgue de Lettera Amorosa (Engelberts, 1963), leur dernière collaboration, présenté à l’exposition Georges Braque – René Char à la Bibliothèque Doucet : le livre couronne une amitié où, souligne Georges Blin dans la préface, « la mutualité de l’entente répond à celle de l’écoute ».
Braque décède le 31 août et Char rédige, dès le 5 septembre, une merveille de petit texte d’hommage, Songer à ses dettes, qu’il fait publier à la NRF en octobre, puis chez PAB en janvier 1964. Il y exprime peine et reconnaissance envers celui qui lui fit découvrir où était son devoir, sinon son exigence, « celui qui nous aura mis les mains au-dessus des yeux pour nous apprendre à mieux regarder ».
Braque reçoit l’année suivante le Grand Prix de la XXIVe Biennale de Venise, la première organisée depuis la guerre.
Coron, Le Fruit donné, p. 44
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