Compliments à chacun de ses parents
Anatole France

Compliments à chacun de ses parents

[Paris] 12 août et 25 décembre 1852.
2 p. en 2 f. (240 x 310 mm). Encre sur papier vélin orné d’une frise imprimée en rouge pour l’un et en vert pour l’autre.

 

Deux « compliments » adressés l’un à son père pour sa fête, l’autre à sa mère, signés chacun par Anatole France alors âge de 8 ans.

Né le 25 décembre 1795 d’une famille pauvre dont le père était cordonnier près d’Angers, Noël-François Thibault, le père d’Anatole France eut une trajectoire pour le moins marquante : du jeune garçon de ferme sans instruction au libraire parisien respecté (spécialisé dans les documents et les livres sur la Révolution), en passant par le soldat du 4e régiment d’Infanterie de la garde royale devenu caporal peu avant la révolution de 1830.

« Le père France avait conquît sa notoriété grâce à son érudition professionnelle. Parmi tous les gens de lettres qui venaient s’asseoir chez lui ‘sur une chaise de paille’, et qui le feuilletaient ‘comme un dictionnaire’ […] » il faut compter les Goncourt (dont l’expression leur revient), Paul de Saint-Victor, et bien d’autres mais surtout son protecteur et ami, le comte de La Bédoyère, qu’il avait connu du temps de son passage dans la garde royale où ce dernier était l’un de ses anciens officiers. Collectionneur, on le retrouve à Paris au 57 rue Saint-Dominique en 1837 quand le père d’Anatole France – sans doute avec l’aide du comte – devient commis chez le libraire-éditeur Jacques Techener : « Ce paysan, ce soldat naguère illettré, se révéla excellent employé dans un métier fort délicat et Techener l’apprécia si bien qu’il le plaça, en 1838, à la tête d’une succursale de sa maison qu’il venait d’aménager, au n° 4 de l’ancienne place de l’Oratoire-du-Louvre [disparue lors du percement de la rue de Rivoli], et qui tenait principalement des livres sur la révolution. » Noël-François Thibault qui allait vite devenir et se faire appeler le père France prit à son compte la boutique dès l’année suivante (janvier 1839) et sans doute encore avec l’aide financière du bibliophile de la Bédoyère (qui avait par ailleurs un fonds sur l’époque révolutionnaire).

Quand le petit Anatole, âgé de huit ans lui adresse ce compliment, le libraire France est déjà installé et reconnu depuis plus de dix ans dans le cercle des libraires d’ancien. Il a depuis installé sa boutique au 19 quai Malaquais où naquit son fils. Après quelques temps au 15 de la même adresse, la librairie France déménagea à nouveau – un an après le petit « compliment » offert ici par Anatole, pour se fixer définitivement au 19 du quai Voltaire. C’est à cette adresse que France passa son enfance et sa jeunesse, la boutique sera rachetée par le célèbre Honoré Champion avant qu’Édouard ne déménage à l’emplacement actuel.

Les 8 lignes recopiées avec application qu’Anatole adresse ici à son père le 25 décembre 1852 à l’occasion de sa fête sont sans doute moins personnelles et de sa création que celles quelques mois plus tôt, le 12 août de la même année, il avait envoyées à sa mère. Il lui écrit alors des mots tendres et précise bien qu’elle doit faire « plus de cas de [son] compliment que celui du 1er de l’an » dont on peut supposer qu’il était aussi convenu que celui adressé à son père. Et d’ajouter « il est le fond de ma pensée & est dicté par mon coeur ». L’on sait par ailleurs, de France lui-même et de ceux qui l’ont fréquenté intimement, qu’il avait égale affection pour ses deux parents. L’âge ici, sans doute, fait la différence et montre une certaine connivence avec l’un plutôt que l’autre.

Mais devenu jeune homme, Anatole collaborera avec son père, ayant acquis par ‘imprégnation’ certains réflexes de marchands et d’éditeur. Le dernier des travaux où il mit la main à la pâte fut le volumieux catalogue que le libraire France publia lors de la dispersion de la collection révolutionnaire du comte de La Bedoyère dont il fut chargé par disposition testamentaire.

L’enfance et la jeunesse d’Anatole France auprès de ce père libraire, dernier des « libraire à chaise » (encore un mot des Goucourt) lui acquit aussi certaines solides amitiés à commencer par celle, précieuse, d’Étienne Charavay, dont le père, Jacques Charavay qui était son parrain, à force d’affaires avec le librairie France était devenu son ami. Leur carrière prit des routes différentes, France devint l’écrivain que l’on sait, entré à l’Académie etc. et le chartiste Charavay, contraint, par la mort précoce de son père de reprendre un commerce et de faire vivre sa famille mais ils restèrent très proches. Anatole dut à son ami Étienne ses premiers écrits de critique dans L’Amateur d’autographes, revue dont Etienne avait pris la direction à la mort de son père.

Pour l’anecdote : le nom de France dont certains crurent longtemps qu’il était un nom de plume est, aux dires de l’auteur lui-même « un sobriquet plus ancien que moi, […] mon père avait nom François Noël Thibault. Il était connu dans son pays natal [. ] par le diminutif de son premier prénom, France. C’est le nom qu’il garda pendant les quatre-vingt-cinq ans de sa vie, laborieuse, modeste et pleine d’honneur. L’usage plus fort que la loi m’imposa à mon tour ce nom de France que je porte comme il l’a porté. » (lettre à un journaliste, 17 août 1895).

Émouvant ensemble de deux ‘compliments’ d’Anatole France alors âgé de 8 ans à ses parents.

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