Paris, Flammarion, (février) 1950.
1 vol. (150 x 210 mm) de 622 p. Broché.
Édition collective, en partie originale.
Un des 220 exemplaires sur Alfa (n° XVII) – seul papier après les 55 exemplaires sur chiffon pur fil.
Jeune normalien, Maurice Genevoix intègre en septembre 1914 le 106e régiment d’infanterie et part combattre en Argonne, notamment à la Tranchée de Calonne : il y est grièvement blessé six mois plus tard, le 25 avril 1915 de trois balles, deux au bras et une à la poitrine. Après sept mois de soins, il rentre à Paris, rue d’Ulm et, sous les encouragements de Paul Dupuy, secrétaire général de l’École normale supérieure, avec qui il a longuement correspondu pendant les combats, accepte de transcrire son témoignage et publie Sous Verdun, en avril 1916. Suivront Nuits de guerre, en décembre, Au seuil des guitounes, en septembre 1918, La Boue, en février 1921, et enfin Les Éparges, en septembre 1921 : une oeuvre à la fois historique et littéraire qui figure sans contestation aucune au premier rang des témoignages publiés sur la Première Guerre mondiale.
Là où certains peuvent reprocher aux autres « grandes œuvres » des écrivains de guerre (Roland Dorgelès avec Les Croix de bois, Henri Barbusse pour Le Feu, Georges Duhamel avec Civilisation, pour ne citer que les principales) des excès de lyrisme ou des récits davantage centrés sur l’individu plus que les expressions collectives, les récits de Genevoix sont considérés comme des oeuvres décrivant avec une authenticité rarement égalée la guerre, sa folie, sa cruauté, ses corps déchiquetés par les obus et les balles, mais aussi la camaraderie des tranchées. Sans oublier son commentaire politique. À tel point que les deux premiers récits, jugés par trop réalistes, furent amputés de près de 200 pages par la censure française lors de leurs parutions originales en 1916. En lutte pour le prix Goncourt, seule la voix d’Octave Mirbeau lui sera comptée contre Le Feu de Barbusse. Les Eparges subira le même sort : un texte amputé et une parution différée, car Genevoix y émet des critiques encore plus virulentes contre un état-major disposé à sacrifier 10 000 hommes pour conquérir une crête.
En 1949, Genevoix décida de rassembler ces écrits sous le titre rassembleur, en hommage, de Ceux de 14. Il en profite pour modifier le découpage des récits et apporte quelques ajustements aux textes originaux pour ne plus former que quatre récits au lieu de cinq. Un succès critique et populaire, qui apporte à Genevoix une légitimité sans nulle autre pareille sur le sujet. « Ceux de 14 est un chef-d’oeuvre absolu qui se lit comme une montée vers le sacrifice et l’horreur. Le sommet, c’est la bataille des Eparges, qui est le paroxysme de la violence, l’une des pires épreuves de 14-18 », assure l’écrivain Michel Bernard, auteur de Pour Genevoix (La Table ronde, 2011).
Le manuscrit de travail de Ceux de 14 sera offert par les petits-enfants de Maurice Genevoix à l’État français : il entre dans les collections de la Bibliothèque nationale de France le 4 novembre 2020. Une semaine plus tard, le 11 novembre, Maurice Genevoix entre au Panthéon, avec symboliquement « Ceux de 14 », en partie grâce aux efforts conjugués du sous-préfet Michel Bernard et de l’économiste et journaliste Bernard Maris, lequel, avec L’Homme dans la guerre, Maurice Genevoix face à Ernst Jünger (Grasset, 2013) s’était obstiné à rappeler l’importance littéraire de l’auteur de Raboliot. Bernard Maris, dernier compagnon de Sylvie Genevoix et qui prit sa suite à la présidence de l’association « Je me souviens de Ceux de 14 » et de la « Société des amis du Mémorial de Verdun » tombera sous les balles de deux terroristes le 7 janvier 2015 et ne verra donc pas l’hommage national.
Au total, soixante-seize hommes et sept femmes occupent actuellement les caveaux du temple républicain en vertu de leur mérite personnel, quelle qu’en soit la nature. Maurice Genevoix est l’un des sept écrivains honorés, le seul du siècle dernier avec André Malraux.
« Ceux de 14 est un chef-d’oeuvre trop peu lu. Couronné par le prix Goncourt en 1925, Raboliot a enveloppé Maurice Genevoix d’un prestige ambigu. On a oublié le mémorialiste de grand style pour ne voir en lui que l’artisan impeccable d’histoires de chasseurs, de pêcheurs et de braconniers. À la boue des Éparges, se sont substituées des images du Val de Loire peintes avec des couleurs d’aquarelle. La Boîte à pêche (1926), Rroû (1931), Le Jardin dans l’île (1936), La Dernière Harde (1938), Eva Charlebois (1944) et Lorelei (1978): parfait magicien ès lettres françaises, Genevoix a laissé derrière lui une oeuvre abondante et un réservoir infini de dictées et d’exemples grammaticaux » (Sébastien Lapaque, Maurice Genevoix, couvert de gloire et inconnu, in Le Monde, 11 novembre 2020).
Après le Panthéon, vivement la Pléiade !
Rare tirage en grand papier, rarement croisés.
De ce texte ; Maurice Genevoix avait conservé le manuscrit original (aujourd’hui à la BnF), deux exemplaires de travail et plusieurs exemplaires de l’édition originale, qu’il conservait dans son bureau-bibliothèque des « Vernelles », sa demeure sur les bords de Loire, près d’Orléans.
Cet exemplaire en provient et porte l’ex-libris des lieux.
Légères rousseurs éparses.