S.l., 15 novembre 1956.
2 p. en 2 feuillets (210 x 270 mm) de 5 paragraphes.
Manuscrit autographe signé, complet, titré « La Complainte de celui qui a mal tourné » et daté « 15 novembre 1956 ».
Les trois premiers mots du titre ont été biffés par l’auteur au crayon.
La chanson est gravée pour la première fois dans à la fin de l’année 1956, dans un 45t dont il occupe la face 1.
Oncle Archibald est en face 2.
Les deux titres se retrouveront sur l’album qui paraît en septembre 1957, le cinquième du chanteur. Sorti sans titre à l’origine, il est ensuite identifié par celui de la première chanson du disque, ce même Oncle Archibald.
Brassens en a écrit les paroles et la musique – sauf pour Les Philistins, qui est un poème de Jean Richepin.
Quatre titres serviront à la bande originale du film Porte des Lilas, réalisé par René Clair en 1957, d’après le roman La Grande ceinture de René Fallet. C’est le seul film dans lequel Georges Brassens aura joué : il jugea le tournage du film comme une expérience négative, pour laquelle « on m’a d’abord prêté une psychologie qui n’est pas la mienne. En me voyant à l’écran, je ne me suis pas tellement reconnu. Et puis dans un studio il fait très chaud et moi j’ai horreur de la chaleur, je me sens un peu perdu. Il y a beaucoup de monde et on crie toujours :”Silence… taisez-vous!…” J’ai travaillé chez Renault : ça ressemble un peu à ça ! Bref, je n’ai rien à faire dans cette galère. D’ailleurs, si je recommençais, je crois que le public m’en voudrait. Il aurait raison : moi, je suis fait pour faire des chansons. » Le chanteur tiendra sa parole car s’il composa des chansons pour d’autres films, il n’interprétera plus aucun autre rôle au cinéma, malgré le bon accueil reçu par le film.
Dans ce manuscrit, les vers sont regroupés en huitains, alors qu’ils seront en quatrains dans la version définitive. Enfin, quelques variantes figurent en début de chanson : ” Faut dire qu’il y avait bien des temps ” deviendra ” Il y avait des temps et des temps ” ou ” Bien des temps cré nom d’un tonneau ” qui disparaîtra, laissant la place au vers ” ni de charbon dans mon fourneau ” qui ne figure pas sur le manuscrit. Le reste est conforme à la version définitive gravée de Celui qui a mal Tourné : une chanson poème doublé d’une belle mélodie, qui dénonce l’injustice, l’ordre établi et célèbre la compassion des petites gens.
“ Il y avait des temps et des temps
Qu’je n’m’étais pas servi d’mes dents
Qu’je n’mettais pas d’vin dans mon eau
Ni de charbon dans mon fourneau
Tous les croqu’-morts, silencieux
Me dévoraient déjà des yeux
Ma dernière heure allait sonner
C’est alors que j’ai mal tourné
N’y allant pas par quatre chemins
J’estourbis en un tournemain
En un coup de bûche excessif
Un noctambule en or massif
Les chats fourrés, quand ils l’ont su
M’ont posé la patte dessus
Pour m’envoyer à la Santé
Me refaire une honnêteté
Machin, Chose, Un tel, Une telle
Tous ceux du commun des mortels
Furent d’avis que j’aurais dû
En bonn’ justice être pendu
A la lanterne et sur-le-champ
Y s’voyaient déjà partageant
Ma corde, en tout bien tout honneur
En guise de porte-bonheur
Au bout d’un siècle, on m’a jeté
A la porte de la Santé
Comme je suis sentimental
Je retourne au quartier natal
Baissant le nez, rasant les murs
Mal à l’aise sur mes fémurs
M’attendant à voir les humains
Se détourner de mon chemin
Y’en a un qui m’a dit: » Salut !
Te revoir, on n’y comptait plus »
Y’en a un qui m’a demandé
Des nouvelles de ma santé
Lors, j’ai vu qu’il restait encor
Du monde et du beau mond’ sur terre
Et j’ai pleuré, le cul par terre,
Toutes les larmes de mon corps.”
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