Feuillets d’Hypnos : « Bora »
René Char

Feuillets d’Hypnos : « Bora »

1 page en 1 f. (210 x 270 mm) rédigée à l’encre noire.


Manuscrit autographe.

Il s’agit du poème 222 des Feuillets d’Hypnos, écrit à l’attention de Marcelle Sidoine-Pons.

Les manuscrits originaux des poèmes des Feuillets d’Hypnos sont rarissimes : ils tous été détruits, sauf à de rares exceptions, par René Char. 

« Ma renarde, pose ta tête sur mes genoux. Je ne suis pas heureux et pourtant tu suffis. Bougeoir ou météore, il n’est plus de coeur gros ni d’avenir sur terre. Les marches du crépuscule révèlent ton murmure, murmure de menthe et de romarin, confidence échangée entre les rousseurs de l’automne et ta robe légère. Tu es l’âme de la montagne aux flancs profonds, haute et secrète, aux roches tues derrière des lèvres d’argile. Que les ailes de ton nez frémissent ! Que ta main ferme le sentier et rapproche le rideau des arbres ! Ma renarde, en présence des deux astres, le gel et le vent, je place en toi toutes les espérances éboulées, pour un chardon victorieux de la rapace solitude. »

La revue Fontaine de Max-Pol Fouchet livre en mars 1946 (n° 50) des textes qui constituent les premières parutions du futur recueil Feuillets d’Hypnos : les fragments 222, 219, 213, 214, 218 et 221. Ils portent alors tous un titre indépendant (« Bora », « Le vitrail de Valensole », « La murmurée », « La révélée », « La marche » et « La carte du soir »), auxquels s’ajoutent deux autres, qui seront publiés dans Le Poème pulvérisé : « Le muguet » et « La saccade ». Les titres de la revue Fontaine disparaîtront dans le recueil, qui ne sera constitué que d’une suite de ces textes – sauf pour le fragment 221, qui sera le seul à conserver son titre, ” La Carte du soir “.

Le poème suivant, 222 est le premier à être imprimé dans Fontaine : il s’appelle ” Bora ” et sous ce nom se cache Marcelle Sidoine-Pons – Char écrivait qu’elle était sa “renarde (…), l’âme de la montagne aux flancs profonds” (Cf. dictionnaire Char, notice d’Antoine Coron) : la figure d’une femme comme une lueur d’espoir qui va  redonner la force de croire à la victoire. Le titre original sera repris tel que dans Fureur et mystère. 

À partir de l’été 1943, Char cesse de se consacrer à Seuls demeurent pour ne plus consigner, jusqu’à l’été 1944, que de brèves notations sur un carnet, qu’il cache lors de son départ à Alger en juillet 1944, dans une maison de Céreste. Il le retrouve au retour en septembre, lui ajoute quelques fragments écrits à Alger (les 204 et 221, « La carte du soir »), puis établit une première dactylographie, comptant 72 fragments, avec seulement neuf manuscrits. Suit alors une période de responsabilités militaires et administratives qui n’est entrecoupée, sur le front des publications, que par la réédition du Marteau sans maître et à la parution de Seuls demeurent, publié en février 1945. À la fin du printemps, le poète se penche alors à nouveau sur ce qu’il appelle encore le Carnet d’Hypnos : ” Je me suis mis violemment au travail. Cela s’appelle : Carnet d’Hypnos (Hypnos est un nom d’homme) 1943-1944. J’ai été assez heureux pour retrouver récemment le journal que je tenais à Céreste, enfoui à mon départ pour Alger dans un trou de mur. C’est ce journal que je vais publier (…) Je mets de l’ordre dedans, j’abrège ou je développe suivant les cas ” ((in lettre du 17 juillet 1945 à Gilbert Lely). 

Ce travail Char aboutit en août à une seconde dactylographie destinée à l’imprimeur, à laquelle il apportera encore quelques corrections, et qui est actuellement conservée à la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet avec cette note : « Il n’existe pas d’autre manuscrit des Feuillets d’Hypnos. J’ai détruit, pour des raisons faciles à comprendre, le carnet des originaux (…) hormis un feuillet conservé comme témoin ».

Des 235 fragments des Feuillets d’Hypnos, moins d’une quinzaine sont connus sous leur forme originale ou une rédaction précoce, antérieure à la publication du recueil. Quelques uns ont été recopiés a posteriori, au gré de leur présence dans des recueils plus tardifs (Fureur et mystère, Le Poème pulvérisé). 

Ce manuscrit de ” Bora “, envoyé par Char à Max-Pol Fouchet pour la parution dans Fontaine, constitue donc une version rare et précieuse, sous son titre premier et original. Il vient précéder et compléter le jeu des autres quatre manuscrits, Vitrail de Valensole, et autres, formant ainsi la totalité des manuscrits d’Hypnos publiés par Pax-Pol Fouchet.

Provenance : Fonds Max-Pol Fouchet, vente II, Mayenne, 2022, n° 250).

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