Billet autographe à sa mère
Anatole France

Billet autographe à sa mère

[Paris], 27 juillet 1851.
Encre sépia sur 1 f. (c. 155 x 205 mm).

 

Tendre mot autographe du petit Anatole France alors âgé de 7 ans à sa mère :

« petite maman je t’aime tu m’as… ton Anatole », qui a accompagné sa signature d’un petit dessin le représentant avec un chapeau ; en haut du feuillet, l’auteur a également entouré d’un grand cercle son patronyme.

On joint : l’étude de Georges Girard. La Jeunesse d’Anatole France (Paris, Gallimard, 1925) où ce billet est reproduit.

Quelques rares pages manuscrites d’enfant, pieusement conservées, montrent l’affection d’Anatole France pour ses parents, et son lien tout particulier de tendresse avec sa mère. Ce manuscrit, brouillon – en apparence – appartient à ces mots spontanés et urgents que le coeur d’un enfant, tout à coup, ne peut retenir – et que ses parents, qui ne s’y trompent pas, gardent comme un trésor. Madame France fit sans doute ainsi, elle qui nota sur le billet la date du « 27 juillet 1851 » comme pour mieux se souvenir plus tard de cet élan d’amour, fugace et fragile par nature. Elle fit de même du reste sur une autre de ces productions enfantines qui nous sont parvenues, alors que son petit garçon lui écrivait, un « dimanche 5 septembre 1852 », un billet plus long – il a un an de plus – mais qui toujours disait son amour et sa joie d’avoir cette maman-là : « tu seras toujours la plus heureuse mère et moi le plus heureux enfant ».
Rien ne changera à ce sujet dans la longue vie de France, qui, jusque dans son agonie paraît-il, prononça le nom de sa mère.

Dans La Jeunesse d’Anatole France où ce billet est reproduit (p. 35-36), l’attachement du jeune Anatole pour ses parents semble par ailleurs harmonieusement réparti, et France avait une égale affection pour son père. Cependant, une complicité particulière devait sans doute l’unir à la destinataire de ce billet en laquelle il avait si confiance et qu’il ne redoutait pas : il est notable que lorsqu’il entra au collège Stanislas dont on connaît par le carnet de son maître M. Allain le premier semestre de l’année scolaire 1856-1857 (France a alors douze ans), il ne fit jamais signer ses mauvaises notes ou ses pensums par son père mais toujours par sa mère. Avisé, le jeune adolescent estimait sans doute aussi que son père serait imperméable au ton d’humour que les qualificatifs d’ « insouciance », de « légèreté », de « négligence » et les remarques du type « devoir généralement fait avec un sans-gêne merveilleux » pouvaient receler. Ce même M. Allain ne se priva pas des années plus tard d’envoyer une lettre de félicitations à son ancien élève qui venait d’entrer à l’Académie française…

Née en 1911 à Chartres de père inconnu, Amable-Antoinette Gallas, future Antoinette France, fut élevée par un personnage « pittoresque », un certain Dufour dont France gardera un souvenir très vif qui servira plusieurs de ses romans : il sera le capitaine Victor du Crime de Sylvestre Bonnard, le Mathias de Pierre Nozière, l’oncle Hyacinthe du Petit Pierre. Antoinette France eut une enfance « sans joies » et précaire qu’attestent le manque d’argent du foyer et les déménagements successifs. L’histoire dit qu’elle ne trouva le bonheur qu’au jour de son mariage avec Noël-François Thibault connu sous le nom de France, qui exerçait le métier de libraire quand il l’épousa en 1840. Installé au n° 16 de la rue de Seine, le ménage déménagea bientôt au n° 19 du Quai Malaquais où naquit, le 16 avril 1844, Anatole France, au premier étage de la librairie de son père. Il faut imaginer l’enfant choyé, au logis ou à la librairie, disposant facilement de papier et d’encre, dont le parrain n’est autre que le prince des autographes, Jacques Charavay, quand il griffonna ce message à sa mère. D’elle, il dira plus tard qu’elle avait « un esprit charmant, l’âme belle et généreuse et le caractère difficile ». Il se souviendra de quelle complicité ils usaient tous les deux lorsqu’il ‘volait’ le libraire France, son père, à l’ouverture des ballots de livres dont il avait souvent la charge : « si son père n’y veillait, il mettrait la boutique au pillage, écrémant avec la complicité de sa mère les nouvelles acquisitions, faisant disparaître les plus belles pièces d’un lot, quitte à les restituer à regret. » (in G. Girard, La Jeunesse d’Anatole France, p. 104).

C’est pour sa maman encore, l’année où il écrit ce billet, qu’il commence la rédaction d’un cahier de réflexions à son usage
: le petit garçon qu’il est alors a déjà quelque réflexe d’homme du livre et de la ‘chose imprimée’, notant dans cet Avertissement adorable : « Anatole a fait un livre qui est intitulé Pensées Chrétiennes. Il est trop jeune pour le faire imprimer, il est âgé de sept ans, il attend qu’il ait vingt ans. »

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