[La Grande Peur des bien-pensants]

Georges Bernanos

[La Grande Peur des bien-pensants]

Vésenex, Toulon, Hyères, août 1930 – c. septembre 1934.
56 f. de formats divers reliés en 1 vol. (235 x 285 mm). Demi-chagrin havane à coins, pièce de titre en long.

 

Précieux ensemble autographe concernant le premier texte polémique de Bernanos.

L’ensemble est composé des éléments suivants :

– 1 portrait de l’auteur par Laure Albin-Guillot (tirage sur papier, 180 x 255 mm), signé dans la planche et daté 1927, avec envoi « à Pierre Bessand-Massenet, à son amitié si diligente et si discrète, avec ma très affectueuse gratitude, G. Bernanos » ;

– 21 lettres autographes signées (formats divers), avec enveloppes conservées ;

– 1 manuscrit autographe de 3 pages ½, rédigé à l’encre bleue : fragment de La Grande peur des bien-pensants ;

– 2 pages autographes, rédigées à l’encre bleue, concernant des corrections à apporter ;

– 1 tiré à part d’« Édouard Drumont. Conférence de M. Georges Bernanos », issu des Cours et conférences d’Action française (octobre 1929), dont c’est l’édition originale.

Importante correspondance inédite à Pierre Bessand-Massenet (1899-1985), collaborateur chez Grasset de 1926 à 1939, puis chez Plon dont la collection « La Palatine » deviendra sous son impulsion et celle de Maurice Bourdel (avec lequel Bernanos échangera également une correspondance) une véritable maison d’édition.

En février 1933, Bernanos, de passage à Paris, forme avec Bessand-Massenet le projet de « cahiers » périodiques, qu’il rédigerait seul comme un « journal » qu’il donnerait à Grasset, réservant à Plon ses romans.

La première lettre est écrite depuis Vésenex (22 août 1930), où réside Bernanos pendant la cure qu’il fait au village voisin de Divonne-les-Bains ; il y soignera une crise d’angoisse qui le tient depuis le mois de juin. Il vient de perdre coup sur coup sa mère et son ami l’abbé Sudre – les lettres de cette période sont ainsi sur papier de deuil. Il y est question comme pour une grande partie des lettres suivantes de La Grande Peur des bien-pensants, commencé en 1928. En cet été 1930, Bernanos arrive donc au terme de deux ans de travail sur le premier de ses textes polémiques dont le titre initial « Démission de la France » sera remisé pour celui de La Grande Peur… qu’il concéda de guerre lasse après avoir ferraillé : « Je tiens absolument à Démission de la France, avec – en sous-titre et en aussi gros caractères qu’il vous plaira : Ed. Drumont, prophète en son pays » (lettre du 28 novembre 1930). S’ensuit à ce sujet entre lui et Grasset un malentendu qu’il demande à Bessand-Massenet de dissiper (lettre du 19 mars). Bernanos avait encore imaginé un autre titre « Au bord des prochains charniers », dont il avait confié l’idée à Louis Brun (lettre écrite depuis Vésenex en juillet). Parti pour Toulon à la fin de l’été, il va séjourner avec sa famille d’abord à la villa « Sainte-Victoire » , puis à la villa « Les Algues » avant de s’établir plus durablement à la Bayorre (près d’Hyères) dans la villa « Fenouillet ». Les Bernanos ne quitteront la Côte d’Azur qu’en octobre 1934 pour rejoindre les îles Baléares ; les lettres de cet ensemble sont écrites, sauf exception, depuis Hyères ou Toulon. On y voit l’écrivain toujours en proie à de grandes difficultés financières : « l’équilibre de mon budget […] étant une sorte de miracle hebdomadaire » écrit-il à Bessand-Massenet (Toulon, 2 décembre 1930), il réclame quelque liquidité à la place d’un chèque dont il n’a visiblement pas le temps d’attendre l’encaissement. L’on sait que le propriétaire de la villa Fenouillet fit vendre « abusivement aux enchères le mobilier, les livres et les papiers de l’écrivain qui, dégoûté, ne s’y oppose pas ».

Bientôt le livre va paraître et, pour le portrait qu’on lui demande, dont un tirage a été monté dans cet ensemble manuscrit, Bernanos indique « les meilleurs clichés sont chez Madame Albin-Guyot. Je crois qu’il y a un profil encore inédit, et capable de me faire grand honneur »…. Le 14 février 1931, alors que son livre est achevé d’imprimé, il se confie à son ami : « La moitié de ce que j’aurais voulu exprimer manque, hélas ! mais il y a des pages déchirantes, je les ai écrites avec une telle crispation du cœur. » Il ne se fait pas d’illusion quant à Grasset : « Je crains bien qu’il ne se fiche du bouquin comme de sa première et lointaine maîtresse » (Toulon, 1er avril). Entre mille difficultés, Bernanos, en contact avec la veuve de Drumont (dans le besoin), essaie de l’aider (lettre du 26 mai 1931). Le 22 juin, il est Hyères où il a installé toute sa famille et écrit à Bessand-Massenet ce qu’il rapportera d’ailleurs dans l’un de ses livres, pourquoi il préfère travailler dans un lieu public : « seul entre quatre murs, je puis me croire une espèce de génie. Au café sous le regard sceptique des garçons, ce n’est réellement pas possible ! » La dernière lettre de cette année 1931 (le 4 novembre), il sort d’une maladie où il a failli « dériver tout doucement au large de la mer sans rives, et sans l’autorisation du dictateur Bernard Grasset ». Toujours de Hyères, le 28 juin, Bernanos demande à Bessand-Massenet d’être le parrain de l’enfant que Jeanne attend et lui confie que leur amitié « a grandi presque malgré moi, ou du moins presque sans que j’y pense ». Fin août, il s’agit de l’Allemagne : « croyez-vous, ou ne croyez-vous pas possible une enquête sur Hitler, et la jeunesse allemande ? De toutes manières, je ne voudrais réellement pas mourir sans avoir dit quelque chose du drame wagnérien qui se joue en ce moment là-bas ». Son fils Jean-Loup est né le 30 septembre 1933 et il réitère sa demande à Bessand-Massenet pour qu’il en soit le parrain. Deux autres lettres viennent clore cette période avant le départ pour les Baléares. Bernanos qui avait eu en juillet un très grave accident de moto qui le laissera définitivement infirme s’en doute déjà : « J’ai vu hier ‘l’électrologue’ et le radiologue (ou graphe). Évidemment, je commence – ou plutôt continue à croire – que je traînerai la patte toute ma vie ».

Cette précieuse réunion de lettres à Pierre Bessand-Massenet s’achève par une longue missive écrite depuis les îles Baléares en 1935. Bernanos est furieux contre l’éditeur Plon, la « veuve Garancière », dont il n’a pas reçu tout ce qu’il espérait en terme d’avances alors qu’il a achevé une bonne partie d’Un crime et de M. Ouine, et parle d’un « autre roman dont elle possède plus de deux cents pages et qu’il m’est très facile d’achever en cinquante », et de 110 pages « d’un autre livre [Journal d’un curé de campagne], lesquelles pages sont certainement les plus émouvantes que j’ai écrites […]. Tout ce travail (sauf M. Ouine) a été fait depuis fin avril 1934, c’est-à-dire en huit mois, en dépit d’un mois de maladie, et de cinq à six semaines perdues pour le déménagement (!), la vente de mon mobilier, l’installation ici »… Il aimerait pouvoir « travailler tout de suite à [s]on journal », à condition de le payer à la page : « Il me semble, je vous jure, que ce journal serait beau. Et demain, il sera sans doute trop tard. Tous crevés, même les salauds ! » Enfin, deux lettres, l’une à Pierre Gaxotte pour lui recommander Pierre Bessand-Massenet, « un des cœurs les plus réellement fiers que je connaisse » et une autre à un « ami » pour lui annoncer la naissance de Jean-Loup : « Un petit garçon vient de dégringoler en ce bas-monde – dégringoler est le mot qu’il faut. Un quart d’heure a suffi. […] Que ne puis-je aussi vite donner un livre à la Postérité ! »

Le manuscrit de La Grande Peur… dont sont conservées ici les dernières pages de la conclusion est à notre connaissance le seul fragment autographe connu de ce texte, puisqu’on ignore tout du manuscrit, qui n’a jamais été vu et qui a probablement été détruit. C’est une mise au propre avec peu de ratures, signée par Bernanos et suivie de deux pages manuscrites relatives à des corrections relevées sur les épreuves de La Grande Peur… Bernanos a noté la page et la ligne et ce qu’il y faut rectifier – les pages 411 à 447.

Précieux ensemble, d’un intérêt de premier ordre sur la composition et l’élaboration de La Grande Peur. C’est encore à Bessand-Massenet, par ailleurs historien, que Bernanos demandera des informations documentaires lorsqu’il travaillera (1938) à Jeanne d’Arc, relapse et sainte. Il fut de ceux que Bernanos considérera comme de ses fidèles amis, témoin de ces quelques années capitales (et la rupture définitive avec l’Action française en particulier), avant qu’il ne quitte la France.

25589

12 000 
Ce site utilise des cookies pour réaliser des statistiques anonymes de visites.
Ce site utilise des cookies pour réaliser des statistiques anonymes de visites.
Le site est en développement et des améliorations sont en cours. Nous nous excusons pour la navigation qui peut ne pas être optimale
Le site est en développement et des améliorations sont en cours. Nous nous excusons pour la navigation qui peut ne pas être optimale
This site is registered on wpml.org as a development site.