[Paris, c. 1852].
3 pages en 3 f. (85 x 110 mm). Encre sur papier.
Petit livret manuscrit confectionné par le jeune Anatole à l’âge de 8 ans à l’usage de sa maman, Antoinette France. Il a utilisé l’envers d’un feuillet à en-tête du cabinet d’autographe Charavay.
Lorsqu’il compile les citations de ce livret de fabrication toute artisanale, Anatole France n’a que huit ans et goûte à sa dernière année de ‘liberté’ avant l’entrée à l’école, puis au collège Stanislas où il fera toute sa scolarité.
Ce recueil improvisé pour sa maman recèle à peu près tout de sa vie d’alors et de certains traits importants de l’écrivain qu’il va devenir : il y consigne des maximes d’hommes célèbres et sa propre réflexion, qu’il prend soin d’assortir de « Notes » à destination du lecteur – en vérité son unique lectrice ; il en fabrique habilement la ‘reliure’ à l’aide d’un feuillet découpé dans le sens de la largeur – sans doute prélevé dans la librairie de son père ou celle de son parrain Jacques Charavay, le fondateur de la célèbre maison d’autographes ; il s’applique à composer une page de titre ravissante et, enfin, il adresse tout cela à celle dont il ne cessera d’être proche et qui fut entourée de tendresse, sa mère.
Parmi ses productions enfantines, billets, compliments sagement rédigés, on ne connaît aujourd’hui que deux specimen de ces sortes de petites anthologies, ce petit manuscrit « À ma chère petite maman » et celui, disparu, des « Nouvelles pensées et maximes chrétiennes par Anatole » dont on ne connaît l’existence que par une reproduction photographique aujourd’hui conservée de la BnF (dans le fonds Jacques Suffel). Le premier est donc le seul conservé à ce jour.
Cité et reproduit dans plusieurs publications dédiées à la jeunesse de l’écrivain, ce manuscrit d’enfant révèle déjà le goût de France pour l’érudition et son penchant à livrer ses idées plus qu’à écrire pour le plaisir de l’art : aussi est-il amusant de noter qu’il n’a pu s’empêcher d’y insérer l’une de ses pensées « Il y a certains défauts qui marquent plus une bonne âme que certaines vertus » dont il précise bien sûr dans sa « Note » avec humour et candeur « J’en ai pris une d’Anatole, il n’y avait pas le choix, il n’a composé que celle-là ».
Les rapports de France avec sa mère (disparue le 23 mai 1886) furent toujours tendres et heureux et il loua souvent son caractère noble mais il confiera sur le tard que la gaîté qui était la sienne s’assombrit au fil des difficultés du ménage dont elle lui imposait en quelque sorte la charge : « Elle affligea mon enfance par des accès de mélancolie et des crises de larmes » (Fragments d’autobiographie, in Revue de France, 1924) ; l’on peut imaginer que ce livret de maximes, représente pour l’enfant qu’il était alors une manière de réagir à ce dérèglement des émotions maternelles et dont l’intention correspond bien à l’affection profonde qui unissait France à sa mère.