Paris, Gallimard, (22 juin) 1927
1 vol. (145 x 190 mm) de 42 p. et [1] f. Veau bleu roi, plats ornés d’un papier gaufré, décor stylisé sur le premier plat avec filet à l’oeser noir et argent, dos lisse, titre palladium, tranche en palladium, doublures de veau bleu, gardes de soie moirée et papier bois, couvertures et dos conservés, chemise à rabats du même box, étui bordé (reliure signée de Rose Adler, 1936).
Édition en partie originale.
Un des 200 exemplaires sur Madagascar (n° 254).
Monté en tête : 1 feuillet double portant, sur 3 pages, le poème des pages 22 et suivantes (54 lignes, à l’encre noire, signées).
Magnifique exemplaire dans une reliure de Rose Adler.
Le catalogue de la vente « Georgette et Rose » (Loudmer, 15 décembre 1990) proposait plusieurs maquettes de Rose Adler : celle pour La Jeune Parque y figurait, « dessin au crayon avec rehaut de bleu, collage, calque en deux parties, note autographe de Rose Adler au verso de la chemise ». Cette maquette n’était alors pas datée. Nous pouvons aujourd’hui préciser qu’elle est de 1936, l’exemplaire, succinctement décrit mais non reproduit, ayant été exposé en juillet lors d’une exposition conjointe de Rose Adler et Max Ernst dans la galerie Jeanne Bucher : « Du Ciel en Arc au Rêve du Rêve à l’Arc en Ciel » (22 juin au 7 juillet).
Le décor reprend l’esprit d’une première tentative de 1935 sur un exemplaire des Romances sans paroles de Verlaine, conservé à la Bibliothèque royale de Belgique, disposant du fonds le plus important au monde de reliures de Rose Adler grâce aux oeuvres léguées par la bibliophile belge Mme Louis Solvay.
La reliure fut commandée par Jacques André, président de plusieurs associations d’amateurs, dont le Cercle Grolier et les Amis du livre moderne. Grand bibliophile et collectionneur d’art parmi les plus importants de l’entre-deux-guerres, Jacques André fut le mécène du peintre et éditeur François-Louis Schmied et surtout du sculpteur Gustave Miklos, qu’il chargea de décorer avec Georges Renouvin son hôtel particulier square Chanton au parc de Neuilly. Il fit travailler Rose Adler jusqu’en 1938. L’exemplaire ne figure pas dans la vente de sa bibliothèque, qui se composait en grande partie d’ouvrages illustrés de l’époque Art déco et reliés par les plus grands noms de la reliure féminine (Marot-Rodde, Germaine Schroeder, Jeanne Langrand, Rose Adler). Mais Jacques André est bien le prêteur lors de l’exposition de l’été 1936 et cet exemplaire fait sans doute partie des quelques reliures, les plus précieuses à ses yeux, dont il n’avait pas voulu se défaire lorsqu’il vendit sa collection (Paris, 27-28 novembre 1951, dispersée par Georges Blaizot). Son ex-libris, « au pélican », est un burin de Jean-Emile Laboureur, réalisé en 1921 (catalogue raisonné, 219). La Bibliothèque nationale de France possède un autre de ses livres relié par Rose Adler : 200 chambres, 200 salles de bains de Valery Larbaud.
Jacques André a fait monter dans l’exemplaire un manuscrit de Paul Valéry : il s’agit d’une mise au propre des vers des pages 22 à 24, « Que dans le ciel placés, mes yeux tracent mon temple ! (…) », soit 54 lignes. Le manuscrit, sur le même papier que celui des gardes utilisées par Rose Adler, est signé par Valéry.
Ce n’est qu’en 1917 Valéry brisa son « long silence » et que parut pour la première fois La Jeune Parque, poème de cinq cents vers auquel il avait travaillé pendant quatre ans. Initialement, il ne devait écrire – à la demande de Gaston Gallimard et de son ami André Gide – qu’une préface poétique d’une trentaine de lignes seulement, destinée à accompagner une réédition de ses premiers poèmes. Il en résulta ce qui est maintenant considéré comme son chef-d’oeuvre : le monologue hermétique d’une femme en proie à un combat entre le corps et l’esprit, un exemple typique de l’extrême formalisme de Valéry.
Le texte est dédié à Gide avec cet extrait de Corneille en exergue : « Le Ciel a-t-il formé cet amas de merveilles ? » – des vers auxquels répondent ceux, centraux, recopiés par Valéry pour Jacques André.
Des bibliothèque Jacques André et Maurice Joullié, avec ex-libris.
Karaïskakis-Chapon (12 & 12C) ; Exposition Paul Valéry, B.n.f., 1956.
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