It’s a Long Way to Tipperary

Joseph Kessel

It’s a Long Way to Tipperary

S.l.n.d. [Londres, 1943].
4 p. en 4 f. (130 x 205 mm) sur papier pelure à l’encre bleue.


Manuscrit autographe d’un des premiers articles donnés sur le sol britannique par Kessel
, tout juste engagé dans les Forces françaises libres. Il vient d’être, au printemps 1943, affecté « à l’organe de combat de la France Libre », l’hebdomadaire La Marseillaise dirigé à Londres par François Quilici.

Arrivé à Londres le 23 janvier, Kessel signe son engagement dans les Forces françaises libres moins d’un mois plus tard, le 10 février 1943. Malgré son envie de voler, Kessel ne rejoint cependant pas une unité combattante mais est affecté « à l’organe de combat de la France Libre », l’hebdomadaire ultra-gaulliste que dirige à Londres François Quilici : La Marseillaise.

Le général de Gaulle demande à Kessel « d’apporter [son] témoignage aux journaux », et sa signature apparaît dès le 7 mars 1943, au bas d’un article intitulé : « Le visage de la grande espérance », patchwork de témoignages émanant « des hommes et des femmes, des ouvriers et des bourgeois, des enfants et des sages » rencontrés en France par Kessel lors de ses déplacements, alors qu’il travaillait pour l’un des premiers réseaux constitués en zone sud sous la direction d’André Girard, le réseau Carte 38 : « Depuis que je suis à Londres, on m’interroge sans cesse sur les sentiments du peuple français et singulièrement sur ceux qu’il nourrit à l’égard du général de Gaulle. Rien n’est plus émouvant […]. On se sent […] le messager d’un autre monde […] mais aussi rien n’est plus angoissant. Comment prétendre refléter ou même connaître l’opinion d’un pays tout entier ? […] Aussi plutôt que d’affirmer, interpréter ou déduire je préfère raconter ce dont je suis sûr. »

L’article de notre manuscrit date de ce printemps londonien et répond parfaitement aux témoignages que Kessel entend doit relater : ” pour quelqu’un qui arrive, comme moi, de France, tout à Londres est sujet de surprise : la circulation des taxis et des autobus, les étalages des magasins, le pain blanc, les menus des restaurants, les gens qui dansent, tous ces uniformes qui ne sont pas allemands, la libre expression (…) tout paraît inouï. Mais mon étonnement le plus vif a été causé peut-être par l’inquiétude que certains de mes amis anglais ont manifesté au sujet du sentiment que la France avait pour l’Angleterre (…) Jamais, non, jamais, l’Angleterre n’a jouit en France d’une telle tendresse, d’une telle amitié (…) Pourquoi ? Simplement parce que Churchill a promis aux français que toutes leurs frontières, toutes leurs libertés leur seraient rendues et que les coupables seraient châtiés. Il y eut une période où Boulogne a été l’un des villes les plus éprouvées de France. Les avions anglais venaient attaquer chaque jour le port qui pouvait servir de base d’invasion. Jamais de nuit, pour les habitants

Kessel évoque ensuite le siège de Boulogne et les évacuations : « (…) une centaine d’enfants furent évacués (…). Un soir on fit une fête (…), on leur donna quelques gâteaux de farine grise (…) et des bonbons, des confitures (…) Bref, des merveilles pour la jeunesse française. Les enfants furent si heureux qu’ils se mirent à chanter. Et ils chantèrent… Tipperary ».

Il fait ici référence à”  It’s a Long Way to Tipperary “, une chanson de music-hall écrite par Jack Judge et Harry Williams en 1912, popularisée par les Connaught Rangers lorsqu’ils traversèrent Boulogne-sur-Mer le 13 août 1914. L’air sera dès lors régulièrement repris, comme chanson de marche, par les soldats de l’Armée britannique. Elle refait son apparition pendant la second guerre mondiale, et se démocratise encore davantage, puisqu’elle est utilisée comme une raillerie des armées nazies qui ne parvenaient pas à envahir la Grande-Bretagne. Le titre sera caricaturé par la propagande du régime de Vichy qui diffusa une affiche intitulée It’s a Long Way to Rome, parodiant la chanson devenue emblématique de l’armée britannique qu’elle voulait ridiculiser, comparant sa vitesse à celle d’un escargot lors de la progression des armées alliées en Italie !

Kessel avait connu ces périodes de près, lui qui, en mai-juin 1940, fut reporter de guerre sur les côtes du Nord, à Calais, Boulogne et Dunkerque, où il devait embarquer pour rejoindre Folkestone, en Angleterre. Il y tombe au coeur de l’opération Dynamo, l’évacuation du Corps expéditionnaire britannique à Dunkerque, chargée de rapatrier quelques 300 000 hommes sur le sol britannique. Malgré le succès de l’opération, 40 000 soldats, pour l’essentiel français, ont été capturés dans la poche de Dunkerque. La conséquence immédiate de l’opération est le déséquilibre des forces entre les armées alliées et les armées allemandes sur le territoire français ; à compter de cette évacuation, la bataille de France sera irrémédiablement compromise. Il était le seul journaliste présent sur place, et subit l’enfer de Dunkerque où il connaît pendant quelques jours la « plus belle trouille » de sa vie, qu’il rapporta dans un saisissant compte-rendu publié dans le journal Paris-Soir du 8 juin 1940.

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